Imaginez une autoroute où tous les panneaux indiquent « 300 km/h autorisés ». Tout le monde roule à fond, les moteurs hurlent, les bolides se multiplient… et pourtant personne n’arrive vraiment plus vite à se démarquer. Voilà exactement ce qui se passe aujourd’hui avec les Layer 1.
Il y a encore trois ans, sortir une blockchain capable de faire 5 000 transactions par seconde était une révolution. Aujourd’hui ? C’est la norme. Solana, Sui, Aptos, Sei, Near, Fantom réchauffé en Sonic… tout le monde est rapide, tout le monde est peu cher. Le blockspace est devenu une commodité. Et c’est précisément là que le nouveau CEO de Sonic Labs, Mitchell Demeter, pose une question brutale : la vitesse ne suffit plus.
La fin de l’ère « fast & cheap » et l’arrivée du vrai combat
Mitchell Demeter a pris les rênes de Sonic Labs il y a seulement deux mois. Pourtant, l’homme parle déjà comme quelqu’un qui a compris que le secteur est en train de vivre un changement de paradigme aussi violent que celui de 2017 à 2021.
« En 2020-2021, être plus rapide et moins cher qu’Ethereum suffisait. Aujourd’hui, on a dix chaînes qui font 50 000 TPS pour 0,0001 $. Le vrai combat, c’est : qui arrive à attirer les builders, les utilisateurs… et surtout à les garder. »
Mitchell Demeter, CEO Sonic Labs
Cette phrase résume tout. La liquidité, les développeurs et les utilisateurs se déplacent désormais à la vitesse de la lumière d’une chaîne à l’autre. Un pont, un airdrop, une meilleure UI, et paf – toute votre TVL migre en 48 heures. La seule façon de créer un fossé défensif (moat) durable ? Agir au niveau du protocole même.
EIP que Ethereum n’osera jamais implémenter (mais que Sonic va tester)
Le premier chantier prioritaire de Demeter ? Parcourir la liste des Ethereum Improvement Proposals (EIP) qui traînent depuis des années et choisir celles qui rendront Sonic fondamentalement plus attractif pour les développeurs.
Un exemple concret déjà sur la table : EIP-7903. Aujourd’hui, la taille maximale d’un smart contract sur EVM est limitée à environ 49 Ko. Résultat ? Les gros projets (Uniswap V4, certains jeux complexes, etc.) doivent découper leur code en dizaines de contrats, multiplier les appels, augmenter les frais et la complexité.
Augmenter cette limite à 128 Ko ou plus changerait la donne. Soudain, porter un projet d’une autre chaîne vers Sonic deviendrait beaucoup plus compliqué – et donc beaucoup moins tentant. C’est ce qu’on appelle créer de la stickiness au niveau protocole.
Autres EIP qui pourraient débarquer rapidement sur Sonic :
- EIP-3074 (AUTH & AUTHCALL) – précurseur de l’account abstraction native
- EIP-7702 (nouvelle version plus propre du 3074)
- EIP-5003 (permet de transformer des comptes EOAs en smart contracts)
- Augmentation des opcodes pour le ZK et les précompilés
Le gros avantage de Sonic ? Une gouvernance beaucoup plus agile qu’Ethereum. Là où Vitalik et la recherche Ethereum avancent au rythme d’un paquebot, Sonic peut tester, déployer et itérer en quelques mois.
Fee Switch : quand 90 % des frais reviennent enfin aux holders
Le deuxième gros sujet qui fâche dans beaucoup de Layer 1 : la répartition des frais. Actuellement sur Sonic (et sur beaucoup d’autres chaînes « app-chain friendly »), le modèle est le suivant :
- 90 % des frais → aux applications (pour qu’elles subventionnent le gas des utilisateurs)
- 10 % → aux validateurs
- 0 % → aux détenteurs du token natif ($S)
Résultat ? Même si la chaîne explose en activité, le token ne capte aucune valeur. L’utilisateur final ne voit même pas la blockchain (grâce à l’account abstraction), les apps récupèrent leurs frais via des modèles premium, les validateurs sont payés… et le holder regarde le cours stagner.
« Si demain toute la finance mondiale passe on-chain avec ce modèle, il ne restera pas un seul token brûlé. Aucune rareté créée. C’est intenable à long terme. »
Mitchell Demeter
La solution que Sonic prépare : un Fee Switch progressif. L’idée est de faire glisser la répartition vers quelque chose comme :
15 % → applications
10 % → validateurs
75 % → brûlés (ou rachetés et brûlés)
Ainsi, plus l’activité augmente, plus le token devient déflationniste. Exactement le genre de mécanisme que les investisseurs demandent à cor et à cri depuis la fin du bull run 2021.
Le parallèle avec Tesla : du dilutif au value-accretive
Demeter fait une analogie intéressante avec les entreprises tech traditionnelles :
« Pendant des années, Tesla levait des fonds en émettant des actions. Une fois la profitabilité atteinte, ils sont passés aux rachats d’actions. Les blockchains sont exactement au même tournant. »
Sonic, comme beaucoup d’autres Layer 1, a encore une inflation résiduelle pour payer les validateurs. Mais la direction est claire : passer en mode value return dès que l’activité soit suffisante.
Licensing B2B : la piste cachée qui pourrait tout changer
Un point peu évoqué mais explosif : Sonic Labs possède une stack technique reconnue comme l’une des plus solides du marché (anciennement Fantom, 7 ans de R&D, équipe de 100+ ingénieurs). Ils envisagent maintenant de licencier leur technologie à des exchanges, des gouvernements ou des banques qui veulent leur propre blockchain privée ou consortium.
Les revenus générés ? Directement réinjectés en buybacks & burns du token $S. C’est une source de valeur totalement décorrélée de la spéculation crypto – chose rarissime dans l’écosystème.
Sonic face aux Layer 2 Ethereum : indépendance vs dépendance
Quand on lui parle de la concurrence des L2 Ethereum (Arbitrum, Optimism, Base, Blast…), Demeter reste serein :
« Les L2 restent dépendants de la sécurité et des upgrades d’Ethereum. Nous avons notre propre réseau de validateurs décentralisés. Cela nous donne une agilité qu’aucun L2 ne peut égaler. »
En clair : pendant qu’Ethereum discute pendant 18 mois d’un EIP, Sonic peut le déployer en 3 mois. C’est un avantage compétitif majeur dans un monde où la vitesse d’exécution redevient critique – ironiquement.
Les priorités du nouveau CEO : tokenomics, business dev, marketing
- 1. Réparer la tokenomics (Fee Switch + potentiels buybacks)
- 2. Transformer la culture « pure tech » en vraie entreprise (marketing, BD, ventes institutionnelles)
- 3. Construire des partenariats durables avec les VCs pour financer les builders plutôt que de jouer nous-mêmes au VC
- 4. Explorer le licensing tech pour créer une nouvelle source de revenu réelle
En résumé, passer d’une fondation technique exceptionnelle à une machine économique qui récompense enfin ceux qui ont cru au projet dès le début.
Et le marché dans tout ça ?
Demeter reste optimiste mais lucide :
« La liquidité s’est resserrée, les investisseurs sont plus exigeants, les narratives seules ne suffisent plus. Mais la plupart de la douleur est derrière nous. La prochaine vague sera portée par les fondamentaux, pas par ceux qui auront su créer de la vraie valeur. »
En clair : les Layer 1 qui continueront à vendre du « on est plus rapide » vont se faire distancer. Ceux qui construiront des mécanismes économiques solides, des fossés techniques et revenus réels survivront – et domineront.
Sonic Labs semble avoir compris le message avant beaucoup d’autres. Reste à voir si l’exécution suivra. Mais une chose est sûre : la prochaine guerre des Layer 1 ne se jouera plus sur la vitesse… mais sur la capacité à créer de la scarcité, de la stickiness et du retour réel aux holders.
Et vous, pensez-vous que les Layer 1 « fast & cheap » ont encore un avenir ? Ou est-ce que la vision de Demeter signe la fin d’une ère ?
