En mai 2025, un vote crucial au Sénat américain sur une loi visant à réguler les stablecoins, le GENIUS Act, s’est soldé par un échec retentissant. Ce revers, marqué par un score serré de 48 contre 49, a mis en lumière des fractures politiques profondes et des soupçons autour des intérêts financiers de l’ancien président Donald Trump dans le secteur crypto. Alors que les cryptomonnaies continuent de redessiner l’économie mondiale, cet événement pose une question brûlante : la politique peut-elle encore encadrer cette technologie sans céder aux intérêts personnels ?
Un Échec Qui Révèle les Tensions Politiques
Le GENIUS Act, destiné à établir un cadre légal pour les stablecoins aux États-Unis, semblait sur la voie d’une adoption bipartisan. Pourtant, des objections de dernière minute de la part des Démocrates, combinées à une méfiance croissante envers les motivations des Républicains, ont fait dérailler le processus. Cet échec ne se limite pas à un simple désaccord technique : il reflète des divergences fondamentales sur la manière dont les cryptomonnaies doivent être régulées dans un climat politique polarisé.
Les Stablecoins : Une Promesse en Suspens
Les stablecoins, ces cryptomonnaies indexées sur des actifs stables comme le dollar, sont au cœur des débats. Leur potentiel pour faciliter les transactions internationales et réduire les coûts est indéniable. Cependant, leur manque de régulation suscite des inquiétudes, notamment sur les risques de fraude et de blanchiment d’argent. Le GENIUS Act ambitionnait de combler ce vide en imposant des exigences strictes, comme la conformité aux lois anti-blanchiment et l’interdiction des rendements sur ces actifs.
Pourquoi les stablecoins divisent-ils ?
- Ils offrent une alternative aux systèmes bancaires traditionnels.
- Ils suscitent des craintes de dérives financières sans régulation claire.
- Leur adoption massive pourrait menacer la stabilité économique.
Le Rôle Controversé de Trump
Un élément clé de l’échec du GENIUS Act réside dans les préoccupations autour des activités crypto de Donald Trump et de sa famille. Leur memecoin, Official Trump (TRUMP), ainsi que leur entreprise de stablecoins, World Liberty Finance, ont généré des profits colossaux, estimés à plusieurs milliards de dollars. Ces gains, concentrés dans quelques portefeuilles, ont alimenté les soupçons de conflits d’intérêts, notamment parmi les Démocrates.
Les liens financiers du président Trump avec le memecoin TRUMP représentent un schéma inédit de corruption, où l’accès à la présidence semble vendu au plus offrant.
Sénateur Richard Blumenthal
Le sénateur démocrate Richard Blumenthal a lancé une enquête sur ces activités, demandant des documents à Fight Fight Fight LLC et World Liberty Finance. Les Démocrates ont tenté, sans succès, d’ajouter des clauses au GENIUS Act pour interdire aux présidents en exercice de tirer profit des cryptomonnaies. Cette proposition visait directement Trump, accusé d’utiliser sa position pour promouvoir ses actifs numériques.
Une Polarisation Croissante
Si les cryptomonnaies étaient autrefois perçues comme un domaine bipartisan, cet échec marque un tournant. Les Républicains, menés par des figures comme la sénatrice Cynthia Lumm “
ummis, prônent une approche pro-crypto, visant à encourager l’innovation. À l’inverse, les Démocrates, sous l’influence de figures comme Elizabeth Warren, insistent sur des garde-fous stricts pour protéger les consommateurs et prévenir les abus. Cette fracture idéologique complique toute tentative de législation unifiée.
Les positions des deux partis en bref :
- Républicains : Favorisent un cadre léger pour stimuler l’innovation.
- Démocrates : Prônent une régulation stricte pour limiter les risques.
Retour sur l’Ère Biden : Un Héritage Contrasté
Sous la présidence de Joe Biden, le secteur crypto a connu des avancées, mais aussi des controverses. L’approbation des ETF Bitcoin par la SEC, alors dirigée par Gary Gensler, a marqué un jalon. Cependant, la politique dite Operation Choke Point 2.0, accusée de limiter l’accès des entreprises crypto aux services bancaires, a suscité de vives critiques. Gensler, connu pour sa vision restrictive, considérait la plupart des cryptomonnaies comme des titres non enregistrés, une approche qui a freiné l’innovation selon ses détracteurs.
Le processus d’approbation des ETF Bitcoin a été mal géré, éloignant les innovateurs du secteur.
Hester Peirce, Commissaire de la SEC
Avec l’arrivée de Trump, nombre de poursuites initiées sous Gensler ont été abandonnées, signalant un virage vers une approche plus permissive. Pourtant, les Démocrates continuent de plaider pour une prudence accrue, craignant que des dérives non régulées ne nuisent aux investisseurs.
Les Conséquences pour l’Avenir
L’échec du GENIUS Act soulève des questions sur la capacité du Congrès à légiférer efficacement dans un secteur en rapide évolution. Alors que le marché des cryptomonnaies atteint des sommets – Bitcoin dépasse les 100 000 dollars et les memecoins comme Shiba Inu ou Pepe attirent des millions d’investisseurs – l’absence de cadre clair pourrait freiner la croissance tout en exposant les consommateurs à des risques.
Pour les observateurs, cet épisode reflète un défi plus large : comment concilier innovation technologique et responsabilité politique ? Les Démocrates, en insistant sur la transparence, risquent de s’aliéner une partie de l’électorat jeune et pro-crypto. Les Républicains, en poussant pour une dérégulation rapide, pourraient ouvrir la porte à des abus.
Vers une Nouvelle Tentative ?
Certains sénateurs, comme Cynthia Lummis, restent optimistes quant à une future législation crypto. Cependant, pour surmonter les obstacles actuels, les deux partis devront trouver un terrain d’entente. Cela impliquera probablement des concessions sur des questions sensibles, comme les conflits d’intérêts liés à des figures politiques influentes.
Prochaines étapes possibles :
- Reprise des négociations bipartisan.
- Inclusion de clauses anti-corruption plus strictes.
- Consultation accrue des experts du secteur.
En attendant, le marché crypto continue de prospérer, avec des acteurs comme World Liberty Finance et des memecoins qui captent l’attention. Mais sans régulation, le risque d’une bulle spéculative ou d’escroqueries massives plane. Le Sénat américain, divisé par des intérêts divergents, devra relever ce défi pour façonner l’avenir des cryptomonnaies.
Les cryptomonnaies ne sont pas un sujet partisan, tout comme Internet ne l’est pas. En 2025, aucun parti ne peut se permettre d’être contre une technologie entière.
Marta Belcher, Avocate spécialisée en blockchain
Pour l’instant, l’échec du GENIUS Act laisse le secteur dans l’incertitude. Les investisseurs, les innovateurs et les régulateurs attendent avec impatience la prochaine tentative de législation. Une chose est sûre : dans un monde où la finance numérique redéfinit les règles, la politique devra s’adapter rapidement pour suivre le rythme.
