Imaginez un monde où le créateur de la plus grande révolution financière du XXIe siècle se cacherait derrière un pseudonyme, laissant des indices épars comme des miettes dans une forêt numérique. Depuis plus d’une décennie, la chasse à l’identité de Satoshi Nakamoto, l’énigmatique inventeur du Bitcoin, passionne les foules. Récemment, une théorie audacieuse a refait surface : Matthew Sigel, responsable des actifs numériques chez VanEck, affirme que Jack Dorsey, cofondateur de Twitter et Square, pourrait être cet homme mystère. Mais cette hypothèse tient-elle vraiment la route ?
Une Théorie Qui Fait Trembler la Crypto-Sphère
Le 18 février 2025, Matthew Sigel a publié un long message sur X, déclarant être convaincu que Jack Dorsey est Satoshi Nakamoto. Cette bombe a immédiatement enflammé les débats dans le monde des cryptomonnaies. Soutenu par les recherches d’un entrepreneur nommé Sean Murray, Sigel avance un faisceau d’indices qui mêle coïncidences troublantes, parallèles techniques et motivations plausibles. Mais avant de plonger dans les détails, posons-nous une question : pourquoi cette quête obsessionnelle pour démasquer Satoshi persiste-t-elle, malgré l’absence revendiquée de leadership dans l’univers Bitcoin ?
Les Indices Qui Pointent Vers Dorsey
Pour comprendre cette théorie, il faut remonter aux origines de Jack Dorsey. Dès 1996, une photo le montre arborant un t-shirt RSA Munition, conçu par Adam Back, un pionnier du mouvement **cypherpunk**. Ce détail n’est pas anodin : Back, créateur de Hashcash (une technologie clé pour Bitcoin), fut l’un des premiers contacts de Satoshi en 2008. Ce lien précoce avec les cercles cryptographiques intrigue. Ajoutons à cela que Dorsey maîtrise le langage C, utilisé pour coder Bitcoin, et que son intérêt pour les bases de données distribuées s’est manifesté dès 1998 lorsqu’il travaillait chez DNet, une entreprise facilitant les paiements en ligne.
Les coïncidences frappantes :
- En 2008, Dorsey quitte temporairement son poste de PDG de Twitter, période où Satoshi développe Bitcoin.
- Deux jours après le lancement du site de Square, qui affiche deux carrés bleus, Satoshi propose des carrés bleus pour le logo Bitcoin.
- En avril 2011, Satoshi disparaît publiquement, juste avant que Dorsey ne reprenne un rôle clé chez Twitter.
Ces synchronicités ne s’arrêtent pas là. En 2014, une fuite de l’email de Satoshi révèle une inscription à PYMNTS.com, un média qui couvrait Square et Dorsey bien avant de mentionner Bitcoin. Plus troublant encore, un reçu envoyé à un destinataire de St. Louis, ville natale de Dorsey, apparaît dans cette fuite. Sean Murray souligne aussi l’admiration de Dorsey pour *Cryptonomicon* de Neal Stephenson, un roman dont les références se retrouvent dans les adresses Bitcoin de Satoshi. Est-ce un hasard ou un puzzle qui prend forme ?
Pensez au Bitcoin comme à un compte bancaire dans les nuages, totalement décentralisé : ni le gouvernement suisse ni américain ne le contrôle.
Un indice parmi d’autres ?
Un Parcours Compatible Avec Satoshi
Dorsey n’est pas qu’un visage connu des réseaux sociaux. C’est un fervent défenseur de la décentralisation. Square, rebaptisée Block, fut parmi les premières entreprises à adopter Bitcoin comme moyen de paiement. En 2022, Dorsey a même créé un fonds de défense juridique pour protéger les développeurs Bitcoin face aux prétentions de Craig Wright, un autre “candidat” controversé à l’identité de Satoshi. Son intérêt pour le Japon, où il s’est rendu à l’époque des premiers pas de Satoshi, renforce aussi cette hypothèse. Mais ces éléments suffisent-ils à faire de lui le génie derrière Bitcoin ?
Les Failles d’une Théorie Audacieuse
Tout n’est pas rose dans cette enquête. Certains arguments avancés par Murray et Sigel flirtent avec l’absurde. Par exemple, Murray décrypte des acronyms dans les transactions Bitcoin ou lie des dates de tweets de Dorsey à des actions de Satoshi. Ces spéculations numériques évoquent plus une chasse au trésor ésotérique qu’une preuve tangible. Autre point faible : le roman graphique *Hacktivist*, écrit par une amie de Dorsey, Alyssa Milano, met en scène un personnage inspiré de Satoshi et Dorsey. Murray y voit un indice, mais un récit fictif peut-il vraiment servir de preuve ?
De plus, Dorsey a publiquement nié être Satoshi, notamment lors d’un podcast avec Lex Fridman en 2020. Pourquoi un homme aussi médiatisé prendrait-il le risque de mener une double vie aussi complexe ? La théorie semble parfois chercher à confirmer un préjugé plutôt qu’à révéler une vérité objective.
Pourquoi Cette Hypothèse Divise-T-Elle ?
La communauté Bitcoin est partagée. Pour beaucoup, identifier Satoshi va à l’encontre de l’esprit décentralisé de la cryptomonnaie. “Bitcoin n’a pas de PDG”, clament les puristes, voyant dans cette quête une menace à son indépendance. Sigel, lui, argue que savoir que Dorsey détient les fameux 1,1 million de BTC (aujourd’hui valorisés à des milliards) rassurerait le marché, évitant une gestion hasardeuse de cette fortune numérique. Mais cette justification ne convainc pas tout le monde.
Dans l’esprit des cypherpunks, mon conseil professionnel est de vous taire.
Jameson Lopp, figure influente de Bitcoin
Les critiques fusent. Certains accusent Sigel de sensationalisme, d’autres estiment que cette spéculation nuit à la philosophie originelle de Bitcoin. Pourtant, les tentatives pour percer le mystère de Satoshi ne faiblissent pas, alimentées par une curiosité humaine bien naturelle face à l’inconnu.
Un Débat Plus Large Sur l’Identité
Cette affaire dépasse la simple question “Dorsey est-il Satoshi ?”. Elle interroge notre rapport à l’anonymat dans un monde hyperconnecté. Si Satoshi reste une ombre, c’est peut-être pour préserver l’idée que Bitcoin appartient à tous, et non à un individu. Pourtant, les coïncidences relevées par Murray et Sigel méritent qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour admirer l’ingéniosité de cette énigme.
Alors, que penser de tout cela ? Les preuves sont-elles assez solides pour convaincre, ou s’agit-il d’une construction fascinante mais fragile ? Une chose est sûre : le mystère Satoshi Nakamoto n’a pas fini de captiver les esprits.