Le monde des cryptomonnaies n’est pas étranger aux controverses et aux batailles judiciaires. Le dernier épisode en date oppose deux acteurs majeurs de cet écosystème : l’exchange américain Coinbase et la plateforme BiT Global, affiliée à la blockchain Tron de Justin Sun. Au cœur du litige, le jeton WBTC (Wrapped Bitcoin), dont Coinbase a annoncé le retrait prochain de sa plateforme.
Coinbase contre-attaque face à la plainte de BiT Global
Suite à l’annonce par Coinbase de son intention de retirer le WBTC de sa plateforme d’échange, BiT Global, gestionnaire de ce jeton, a déposé plainte le 13 décembre dernier devant un tribunal de Californie. La société réclame 1 milliard de dollars de dommages et intérêts, ainsi qu’une injonction temporaire pour empêcher le “delisting”.
BiT Global argue que cette décision est illégale, qu’elle causerait un préjudice irréparable à l’écosystème du WBTC, et qu’elle est injustifiée au regard des autres cryptoactifs listés par Coinbase, y compris des “meme coins” au sérieux discutable. De plus, le lancement récent du cbBTC, un jeton similaire émis par Coinbase, violerait les lois antitrust en menaçant de créer un monopole.
Face à ces accusations, Coinbase a contre-attaqué le 17 décembre en demandant au tribunal de rejeter cette plainte qu’elle qualifie de “sans fondement”. Selon un document judiciaire, l’exchange fait valoir plusieurs arguments :
- Coinbase a le droit de choisir avec qui faire affaire, et aucune loi ne l’oblige à travailler avec des acteurs douteux ou suspectés de malversations.
- La position de Coinbase sur le marché des jetons adossés au Bitcoin est très loin d’être monopolistique (le cbBTC ne figure même pas dans le Top 10 en termes de capitalisation).
- La décision de retirer le WBTC fait suite à un examen attentif des risques, notamment liés à l’implication de Justin Sun, et vise à protéger les clients.
Les liens entre BiT Global et Justin Sun au cœur des débats
C’est en effet la personnalité controversée de Justin Sun, fondateur de Tron et actionnaire majoritaire des réserves du WBTC, qui semble avoir motivé la décision de Coinbase et d’autres acteurs de reconsidérer leur soutien à cet actif. Récemment, Sun a été mis en cause par la SEC pour violations des lois fédérales, et ferait l’objet d’une enquête du FBI pour de possibles liens avec le financement du terrorisme.
« La décision de Coinbase de retirer le WBTC est une simple question de bon sens. Il est nécessaire de protéger nos clients face aux risques inacceptables liés à M. Sun. »
Extrait de la réponse de Coinbase à la plainte de BiT Global
L’exchange souligne par ailleurs que le retrait de la cotation du WBTC n’aura qu’un impact mineur, puisque moins de 1% des transactions impliquant ce jeton ont lieu sur sa plateforme. La majorité de l’activité se déroule sur d’autres marchés.
Une affaire révélatrice des enjeux de la régulation crypto
Au-delà du seul différend commercial, ce litige illustre les défis de la régulation dans un écosystème crypto en plein essor mais encore largement sous-encadré. Entre volonté de protéger les investisseurs et tentation du laisser-faire pour ne pas entraver l’innovation, les régulateurs comme les acteurs du secteur doivent trouver le juste équilibre.
Le cas du WBTC est emblématique : alors que ce type de jetons “wrapped” (adossés à d’autres cryptos) joue un rôle croissant, notamment dans la finance décentralisée (DeFi), leur statut juridique reste flou. Et les soupçons pesant sur certains émetteurs, à l’image de Justin Sun, ne font qu’accroître la méfiance.
Les points clés du dossier Coinbase/BiT Global :
- Plainte de BiT Global après l’annonce du retrait du WBTC par Coinbase
- 1 milliard de dollars de dommages réclamés et demande d’injonction
- Coinbase réfute des accusations “sans fondement” et demande le rejet
- Les liens de BiT Global avec Justin Sun, personnage controversé, au cœur des motivations de Coinbase
- Une affaire symptomatique des défis règlementaires des crypto-monnaies
Contacté, Coinbase n’a pas souhaité commenter davantage l’affaire, se contentant de renvoyer à ses arguments exprimés devant la Cour. De son côté, BiT Global a réaffirmé dans un communiqué “la totale légitimité de sa démarche” et “son engagement à défendre l’intégrité de l’écosystème WBTC”. La prochaine audience est prévue courant janvier 2025. D’ici là, le jeton restera en ligne.
Quelle que soit l’issue judiciaire, cette affaire pose la question du rôle et des responsabilités des plateformes d’échange dans la sélection et la supervision des actifs qu’elles proposent. Un débat crucial pour l’avenir d’une industrie en quête de maturité et de crédibilité.