Imaginez un monde où regarder un film ne vous coûte rien, mais vous rapporte au contraire des tokens que vous pouvez échanger ou conserver. Un monde où les studios hollywoodiens traditionnels perdent peu à peu le contrôle au profit de géants du streaming armés d’intelligence artificielle et de blockchains. Ce n’est pas de la science-fiction : c’est exactement ce qui s’est passé en 2025.
L’année qui vient de s’achever a marqué un bouleversement profond dans l’industrie du divertissement. La tokenisation des actifs, l’explosion de l’IA générative et l’adoption massive du edge cloud ont accéléré une consolidation sans précédent. Hollywood, autrefois dominé par cinq grands studios, voit aujourd’hui son pouvoir glisser vers les plateformes numériques et les fournisseurs d’infrastructures cloud.
Cette mutation ne concerne pas seulement les blockbusters. Elle touche la création, la distribution, la monétisation et même la manière dont les spectateurs interagissent avec le contenu. Prêts à plonger dans cette révolution ?
2025 : l’année de la grande consolidation du streaming
L’événement le plus marquant de 2025 reste sans conteste l’annonce, le 5 décembre, du rachat de Warner Bros. Discovery par Netflix pour environ 82,7 milliards de dollars. Un accord qui, s’il obtient l’aval des autorités et des actionnaires, redessinerait complètement la carte du streaming.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Paramount, associé au fonds d’investissement d Jared Kushner, Affinity Partners, a lancé une contre-offre hostile à 108 milliards de dollars. Une bataille juridique et médiatique s’en est suivie, compliquée par une class action déposée par des actionnaires minoritaires.
Ce feuilleton financier illustre parfaitement le mouvement de concentration en cours. Les plateformes historiques – Netflix, Amazon Prime, Disney+, Apple TV+ – renforcent leur domination face aux acteurs traditionnels. Le résultat ? Une poignée d’entreprises américaines contrôle désormais l’essentiel de la production et de la distribution mondiale de films et séries.
Les conséquences sur les créateurs et les artistes
Matt Damon l’a dit sans détour : le streaming a tué les revenus secondaires qui faisaient vivre les acteurs et réalisateurs. À l’époque des DVD et des diffusions télévisées, un film à succès continuait à rapporter pendant des années via les royalties. Aujourd’hui, une fois le budget couvert par la plateforme, les bonus disparaissent.
L’exemple du film Air, produit par Ben Affleck et Matt Damon, est révélateur. Sorti directement sur Amazon Prime, il a à peine rentabilisé ses 90 millions de dollars de budget. Sans ventes physiques ni diffusion syndiquée, les artistes n’ont touché presque aucun complément.
« Le streaming rend beaucoup plus difficile la viabilité financière des drames adultes à budget moyen, hors franchises. »
Matt Damon
En parallèle, la production délocalisée s’est accélérée. France, Irlande, Hongrie, Canada, Mexique… les pays offrant des crédits d’impôt généreux attirent massivement les tournages. La Californie, berceau historique d’Hollywood, perd des milliers d’emplois au profit de destinations plus compétitives.
Le edge cloud : la nouvelle infrastructure invisible du streaming
Derrière cette consolidation se cache une révolution technologique moins visible : le passage au edge cloud. Amazon Web Services, Google Cloud et Microsoft Azure déploient désormais des serveurs au plus près des utilisateurs pour réduire la latence et améliorer la qualité de diffusion.
Cette architecture permet non seulement une expérience 4K/8K fluide partout dans le monde, mais ouvre aussi la porte à des modèles économiques hybrides : abonnement, publicité ciblée, location à l’unité. Chaque modèle bénéficie de la puissance de calcul locale pour personnaliser les publicités ou optimiser la bande passante.
Les trois géants du cloud dominent aujourd’hui le streaming mondial :
- AWS alimente Amazon Prime Video et une grande partie de Netflix
- Google Cloud soutient YouTube et plusieurs plateformes indépendantes
- Microsoft Azure propulse Xbox Game Pass et de nombreux services de jeux en cloud
Ces infrastructures peuvent également être combinées à la blockchain pour créer des réseaux de diffusion décentralisés, plus résilients et moins dépendants d’un seul fournisseur.
Le watch-to-earn : regarder pour gagner des tokens
L’une des innovations les plus disruptives de 2025 reste l’émergence du watch-to-earn. Au lieu de payer un abonnement, le spectateur gagne des tokens en regardant du contenu ou des publicités. Ces tokens peuvent ensuite être échangés, stakés ou utilisés sur d’autres plateformes.
Deux projets se détachent particulièrement :
- Theta Network : les utilisateurs gagnent du TFUEL en relayant des flux vidéo via leurs Edge Nodes et en regardant du contenu partenaire (comme CONtv ou NASA TV).
- Brave et Basic Attention Token (BAT) : les spectateurs reçoivent des BAT en visionnant des publicités respectueuses de la vie privée dans le navigateur Brave.
D’autres plateformes comme Verasity, Rewarded.tv, Script Network, Vuele ou Eluvio proposent des modèles similaires. Certaines intègrent même des NFT permettant aux spectateurs de posséder une part des royalties d’un film ou d’une série.
Cette logique renverse complètement le paradigme traditionnel : le temps d’attention devient une ressource monétisable pour le spectateur lui-même.
L’intelligence artificielle au cœur de la création et de la recommandation
L’IA n’est plus un gadget marketing : elle pilote désormais une grande partie de l’industrie. Netflix attribue 80 % de ses visionnages à son moteur de recommandation dopé à l’apprentissage automatique. Amazon, Disney et les autres suivent le même chemin.
En 2025, Disney a signé un accord d’un milliard de dollars avec OpenAI pour intégrer limitativement ses personnages dans ChatGPT et développer des outils créatifs internes. Cineverse utilise l’IA pour découvrir du contenu indépendant et optimiser sa distribution.
« L’IA ne remplace pas les créateurs, elle les multiplie. »
Un producteur indépendant, 2025
Mais cette automatisation soulève des questions éthiques et juridiques majeures. De nombreux procès opposent studios et artistes aux éditeurs d’IA accusés d’entraîner leurs modèles sur des œuvres protégées par le droit d’auteur.
Tokenisation des royalties et des actifs cinématographiques
La tokenisation va bien au-delà du simple watch-to-earn. Elle permet de fractionner la propriété d’un film, d’une série ou même d’un catalogue entier. Les créateurs peuvent vendre directement des parts de leurs futures royalties sous forme de tokens ou de NFT.
Le marché mondial de la tokenisation a atteint 1 240 milliards de dollars en 2025, contre 865 milliards l’année précédente. Les analystes prévoient une croissance exponentielle d’ici la fin de la décennie, portée notamment par la clarté réglementaire dans plusieurs juridictions.
Des plateformes comme Film.io, Rad ou Vabble permettent aux réalisateurs indépendants de lever des fonds en pré-vendant des tokens adossés aux recettes futures. Les investisseurs deviennent ainsi copropriétaires d’une œuvre dès sa phase de développement.
Fiscalité : le nouveau défi de l’économie tokenisée
Cette économie émergente pose des défis fiscaux complexes. Aux États-Unis, l’IRS considère les tokens comme des biens. Toute réception de tokens (watch-to-earn, airdrop, staking) constitue un revenu imposable à la juste valeur marchande du moment.
Règles fiscales essentielles pour les tokens (États-Unis) :
- Réception de tokens = revenu ordinaire (valeur en USD au moment de la réception)
- Vente ou échange = plus-value ou moins-value (court ou long terme)
- NFT artistiques souvent classés comme « collectibles » → taxation jusqu’à 28 %
- Obligation de tenue de registres précis pour chaque transaction
En Europe, les taxes sur les services numériques (DST) compliquent encore la donne pour les plateformes internationales. La conformité devient un enjeu stratégique majeur.
Vers un Hollywood décentralisé ou ultra-centralisé ?
Deux visions s’opposent aujourd’hui. D’un côté, les géants du streaming et du cloud concentrent un pouvoir inédit sur la création et la diffusion. De l’autre, la blockchain et le edge cloud décentralisé promettent une démocratisation réelle : créateurs indépendants financés directement, spectateurs rémunérés, distribution peer-to-peer.
La réalité sera probablement hybride. Les grandes plateformes intégreront progressivement certaines briques blockchain (royalties tokenisées, NFT d’accès exclusif) tout en conservant leur domination infrastructurelle.
Mais une chose est certaine : 2025 a marqué la fin d’un modèle vieux d’un siècle. Hollywood ne sera plus jamais le même.
Le cinéma entre dans une ère où technologie, finance décentralisée et intelligence artificielle redéfinissent les règles du jeu. Les gagnants seront ceux qui sauront allier créativité humaine et puissance des nouveaux outils. Les spectateurs, eux, pourraient bien devenir les véritables bénéficiaires de cette révolution.

