Le 4 décembre 2025, le Fonds monétaire international a lâché une petite bombe de 56 pages que peu de médias traditionnels ont relayée. Pourtant, le message est clair : les stablecoins représentent une menace existentielle pour le monopole des banques centrales. Pas une menace lointaine, pas une hypothétique. Une menace immédiate, amplifiée par Internet et les smartphones.

Imaginez : demain matin, une partie significative de la population d’un pays émergent décide de tout payer en USDT ou USDC plutôt qu’en monnaie locale. Plus besoin d’aller à la banque, plus de frais de change absurdes, des transferts instantanés 24h/24. En quelques semaines, la banque centrale perd le contrôle de sa masse monétaire. C’est exactement le scénario qui hante les nuits du FMI.

Le rapport qui fait trembler Washington et Francfort

Le document, sobrement intitulé « The Rapid Rise of Stablecoins and Monetary Policy Challenges », ne tourne pas autour du pot. Dès les premières lignes posent le décor : les stablecoins adossés au dollar (USDT, USDC, FDUSD, etc.) ont dépassé les 200 milliards de dollars de capitalisation en 2025 et continuent de croître de façon exponentielle.

« Une substitution monétaire rapide peut se produire dans les pays à inflation élevée ou à faible confiance dans la monnaie locale, surtout grâce à la pénétration massive des smartphones et d’Internet. »

Fonds monétaire international, décembre 2025

Ce qui terrorise particulièrement le FMI ? La vitesse. Contrairement à la dollarisation classique des années 90-2000 (Argentine, Équateur, Zimbabwe…), qui prenait des années, la « stablecoinisation » peut s’opérer en quelques mois, voire quelques semaines.

Pourquoi les stablecoins gagnent-ils si vite ?

Plusieurs facteurs se combinent pour créer un cocktail explosif :

  • Accessibilité instantanée via des applications comme Telegram, WhatsApp ou Binance
  • Frais quasi nuls comparés aux systèmes bancaires traditionnels
  • Protection contre l’inflation et la dévaluation (crucial en Turquie, Argentine, Nigeria, Venezuela)
  • Confiance relative dans le dollar américain, même quand on n’a pas confiance dans son propre gouvernement
  • Intégration croissante dans les paiements du quotidien (Argentine : 15% des transactions immobilières déjà en USDT en 2025)

Résultat ? Des pays entiers pourraient basculer sans même que leurs parlementaires s’en rendent compte.

Les MNBC, la réponse qui risque d’arriver trop tard

Les banques centrales préparaient depuis 2020 leur arme ultime : les monnaies numériques de banque centrale (MNBC ou CBDC en anglais). L’idée était simple : proposer une version numérique de la monnaie nationale, contrôlée à 100%, avec traçabilité totale.

Mais le FMI le reconnaît à demi-mot : les MNBC risquent d’être dépassées avant même d’être lancées à grande échelle.

Pourquoi les stablecoins privés écrasent déjà les projets MNBC :

  • Ils existent déjà et sont adoptés massivement (USDT : plus de 120 millions d’utilisateurs)
  • Ils sont interopérables entre blockchains (Ethereum, Tron, Solana, Binance Smart Chain)
  • Ils bénéficient d’effets de réseau énormes (le fameux « network effect »)
  • Ils ne demandent pas l’autorisation des gouvernements pour exister
  • Ils offrent (pour l’instant) plus de confidentialité que les MNBC prévues

Le comble ? Même la Chine, pionnière avec son e-CNY, voit ses citoyens continuer à utiliser USDT en masse pour contourner les contrôles de capitaux.

La souveraineté monétaire : ce privilège en train de s’effriter

Historiquement, émettre de la monnaie est le cœur du pouvoir régalien. C’est ce qui permet à une banque centrale d’influencer les taux d’intérêt, de financer les déficits publics, de dévaluer en cas de crise.

Quand une part croissante des transactions se fait en stablecoins étrangers, cet outil devient un pistolet à eau.

Exemple concret : si demain le Nigeria voit 40% de son économie tourner en USDC, la Banque centrale du Nigeria peut bien baisser son taux directeur à zéro, personne ne s’en rendra compte. L’effet sur l’économie réelle sera nul.

« La perte de contrôle de la base monétaire domestique pourrait rendre la politique monétaire conventionnelle inefficace. »

FMI, 2025

Les recommandations du FMI : verrouiller avant qu’il soit trop tard

Face à cette menace, le FMI sort l’artillerie lourde et recommande aux États :

  • Interdire purement et simplement aux stablecoins d’avoir cours légal (comme Bitcoin au Salvador)
  • Empêcher les entreprises d’accepter les paiements en stablecoins
  • Imposer des restrictions drastiques sur les échanges crypto-fiat
  • Accélérer le déploiement des MNBC (même si c’est pour arriver après la bataille)
  • Coordonner au niveau international pour éviter la concurrence réglementaire

En clair : fermer la porte de l’écurie alors que les chevaux sont déjà loin.

Pendant ce temps, les États-Unis préparent le tapis rouge

Le plus savoureux dans cette histoire ? Les États-Unis, dont la monnaie domine les stablecoins (le dollar) sont en train de légaliser massivement le phénomène.

Le GENIUS Act, voté sous l’administration Trump 2.0, entrera en vigueur début 2026 et offre un cadre clair et favorable aux émetteurs de stablecoins adossés au dollar. Circle (USDC) et Paxos (USDP) ont déjà obtenu leurs licences bancaires complètes.

Traduction : pendant que le FMI panique, les États-Unis s’assurent que le futur système monétaire mondial tournera… toujours autour du dollar, mais cette fois via des entreprises privées comme Tether et Circle.

Et l’Europe dans tout ça ?

L’Union européenne reste fidèle à elle-même : MiCA encadre sévèrement les stablecoins, BNP Paribas et Société Générale préparent un « eurocoin » commun avec huit autres banques… pour 2027 au plus tôt.

Pendant ce temps, les Européens continuent de trader, épargner et payer en USDT et USDC. L’euro numérique de la BCE ? Toujours en phase d’étude, prévu pour 2028-2030 dans le meilleur des scénarios.

Ce que personne n’ose dire au FMI

Le rapport du FMI oublie soigneusement de mentionner les avantages des stablecoins :

  • Inclusion financière massive dans les pays en développement
  • Réduction drastique des frais sur les transferts de fonds (remittances)
  • Protection réelle contre l’hyperinflation
  • Innovation paiement instantané sans intermédiaire
  • Transparence des réserves (de plus en plus auditées en temps réel)

En résumé, les stablecoins résolvent des problèmes que les banques centrales n’ont jamais su (ou voulu) régler.

Vers un monde post-banques centrales ?

Nous assistons peut-être à l’un basculement historique comparable à la fin de l’étalon-or en 1971. Cette fois, ce n’est pas un président américain qui abandonne l’or, mais des millions d’individus qui abandonnent leur monnaie nationale au profit d’actifs numériques privés.

Le FMI peut bien publier 1000 rapports. La technologie est déjà là, les applications sont téléchargées, les portefeuilles sont remplis. La question n’est plus de savoir si les stablecoins vont disrupter le système monétaire actuel.

La question est : qui va contrôler le système monétaire de demain ? Les banques centrales ? Ou un oligopole d’entreprises privées américaines régulées par Washington ?

Une chose est sûre : le monopole de la création monnaire, ce privilège millénaire des États, vit peut-être ses dernières années.

Et quelque part, Satoshi Nakamoto doit bien rigoler.

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