La Russie semble prête à franchir une nouvelle étape dans la régulation des cryptomonnaies. Selon des sources proches du dossier relayées par l’agence de presse d’État Interfax, le ministère des Finances (Minfin) envisage d’autoriser le trading de devises numériques sur les places boursières du pays. Mais cette ouverture ne concernerait qu’un groupe restreint d’investisseurs dits “hautement qualifiés”. Une manière pour les autorités de garder la main sur ce marché encore perçu avec méfiance.
Un mécanisme boursier sous contrôle
L’initiative du Minfin viserait à mettre en place un cadre permettant les échanges de cryptoactifs tout en naviguant dans les méandres réglementaires. Une volonté qui s’inscrit dans la lignée des déclarations du Premier ministre Mikhaïl Michoustine en 2022, appelant à faciliter les règlements transfrontaliers en crypto. Pour contourner les difficultés juridiques, le ministère proposerait de reconnaître officiellement les monnaies numériques comme des biens, rapportent les sources.
Mais cette timide ouverture se heurte encore aux réticences de la Banque centrale de Russie, hostile à une légalisation totale des cryptos. D’où l’idée du Minfin de limiter l’accès à ces produits boursiers innovants à une poignée d’investisseurs triés sur le volet. Un compromis qui permettrait de tester le dispositif sans risquer de déstabiliser le système financier. La définition exacte des critères pour obtenir le précieux sésame reste cependant à préciser.
Vers un feu vert aux stablecoins pour le commerce avec la Chine ?
Cette annonce intervient alors que la banque centrale elle-même semblerait prête à mettre un peu d’eau dans son vin. Selon son vice-gouverneur Alexeï Guznov, cité dans un journal d’État, l’institution étudierait la possibilité d’approuver l’usage des stablecoins dans les échanges internationaux. Une piste explorée par les entreprises russes pour contourner les sanctions occidentales et continuer à commercer avec leur grand voisin chinois.
L’enjeu serait d’encadrer toute la chaîne pour permettre aux particuliers “de transférer ces actifs en Russie, de les accumuler et de les utiliser pour des paiements à l’international”, a détaillé Guznov. Un changement de ton notable, même si la banque centrale reste prudente et préfère avancer à petits pas sur ce terrain glissant.
Les cryptos, un levier géopolitique pour Moscou
Au-delà des enjeux économiques, la régulation des cryptomonnaies revêt une dimension géostratégique pour la Russie. Mise au ban du système financier international depuis le début de la guerre en Ukraine, Moscou cherche des alternatives pour continuer à faire tourner son économie et contrer l'”arme du dollar”. Les monnaies numériques, décentralisées et difficilement contrôlables, offrent une porte de sortie intéressante.
Mais le Kremlin marche sur des œufs, tiraillé entre la volonté de tirer parti de ces innovations et la crainte de voir le rouble détrôné. D’où cette approche graduelle et ciblée, visant à garder la main sans étouffer le potentiel du secteur. Un numéro d’équilibriste qui n’est pas sans rappeler la relation ambivalente de Pékin avec les cryptos. Les deux géants semblent avancer main dans la main sur ce dossier brûlant.
Quel impact pour le marché des cryptos ?
Si elle se confirme, l’arrivée des investisseurs russes, même limités en nombre, pourrait donner un coup de fouet aux échanges de cryptomonnaies. La Russie pèse lourd avec ses 144 millions d’habitants et ses innombrables ressources naturelles et industrielles. De quoi attirer les regards des spéculateurs du monde entier.
Certains y voient même un moyen pour Moscou de contourner les sanctions en attirant des capitaux étrangers par ce biais. Une perspective qui risque de faire grincer des dents les régulateurs occidentaux, déjà échaudés par les liens troubles entre cryptos et activités illicites. Mais difficile de s’opposer frontalement sans remettre en cause le principe même de la décentralisation.
Une chose est sûre : la Russie compte bien jouer sa partition dans la grande symphonie crypto. Reste à voir si elle parviendra à trouver le bon tempo sans faire de fausses notes. Les prochains mois s’annoncent décisifs pour définir les contours de ce nouvel écosystème numérique en pleine ébullition. À suivre de près !