Imaginez : vous lancez votre protocole DeFi à Dubaï, vous levez des millions auprès d’investisseurs du monde entier, et du jour au lendemain, la Banque centrale des Émirats vous envoie une lettre vous sommant de demander une licence… sous un an. C’est exactement ce qui est en train d’arriver à des centaines de projets Web3 installés aux Émirats Arabes Unis depuis l’entrée en vigueur du Décret-loi fédéral n°6.

Ce n’est pas une rumeur, c’est officiel, et ça fait trembler tout l’écosystème crypto du Golfe.

Les Émirats passent à la vitesse supérieure sur la régulation crypto

Pendant longtemps, les Émirats Arabes Unis ont été présentés comme le paradis du Web3 : fiscalité quasi nulle, VARA (l’autorité dédiée de Dubaï) ultra-réactive, événements géants, licences délivrées en quelques mois… Mais le 16 septembre 2025, la donne a changé brutalement avec la publication du Décret-loi fédéral n°6 de 2025 par la Banque centrale des Émirats (CBUAE).

Ce texte ne remplace pas les régulations locales (comme VARA à Dubaï ou ADGM à Abu Dhabi), il les complète… et surtout, il les dépasse largement.

Ce que change concrètement le Décret-loi n°6 :

  • Toute activité de paiement, échange, prêt, ou garde d’actifs numériques tombe désormais sous supervision directe de la CBUAE
  • Licence obligatoire pour opérer légalement sur le territoire (même pour les projets purement décentralisés)
  • Amendes pouvant atteindre 100 millions de dirhams (25 millions d’euros) en cas de non-conformité
  • Délai de mise en conformité : 12 mois à compter du 16 septembre 2025

Pourquoi maintenant ? Le contexte que personne ne dit

Les Émirats ne se sont pas réveillés un matin en décidant de « tuer la DeFi ». La réalité est plus pragmatique.

D’abord, il y a la pression internationale. Le GAFI (Groupe d’action financière) a placé les EAU sur liste grise jusqu’en 2024 pour des failles en matière de blanchiment. Sortir de cette liste exigeait des mesures fortes.

Ensuite, l’explosion des fraudes. Entre 2023 et 2025, des dizaines de projets « rug pull » se sont installés à Dubaï, ont levé des fonds, puis ont disparu avec l’argent des investisseurs. Certains ont même été arrêtés à l’aéroport en partance pour des pays non coopératifs.

« Nous voulons être le hub le plus sûr pour l’innovation blockchain, pas le Far West numérique. »

Explication officielle de la CBUAE, septembre 2025

La grande question qui déchire la communauté : les wallets non-custodial sont-ils concernés ?

C’est LE point brûlant.

Le texte parle de « garde d’actifs numériques ». En théorie, un wallet où l’utilisateur détient seul ses clés privées (self-custody) ne fait pas de garde pour autrui… donc pas de licence nécessaire. Mais plusieurs avocats spécialisés que j’ai interrogés sont beaucoup plus prudents.

Pourquoi ? Parce que de nombreux protocoles DeFi proposent aujourd’hui des wallets intégrés, des interfaces de connexion, ou même des seed-phrases gérées temporairement. Dès qu’il y a le moindre doute, la CBUAE pourra considérer qu’il y a « facilitation de garde ».

Cas concrets déjà dans le viseur :

  • Les front-ends de DEX qui conservent temporairement des données de connexion
  • Les protocoles de lending qui gèrent des collatéraux
  • Les bridges cross-chain qui détiennent des fonds pendant le transfert
  • Les launchpads qui custodient les tokens avant listing

VARA vs CBUAE : qui fait la loi à Dubaï ?

Depuis 2022, la VARA (Virtual Assets Regulatory Authority) de Dubaï était l’autorité de référence. Elle a délivré plus de 1 500 licences, dont certaines à des géants comme Binance, Bybit ou Crypto.com.

Mais le Décret-loi n°6 est fédéral. Il s’applique à tout le pays, y compris dans les zones franches comme DIFC ou ADGM. Résultat : même un projet ayant une licence VARA doit maintenant demander une seconde licence à la CBUAE s’il touche aux paiements ou à la garde.

Beaucoup de fondateurs parlent déjà de « double régulation » et de coûts multipliés par trois.

Les réactions : entre panique et optimisme mesuré

Dans les groupes Telegram des entrepreneurs crypto à Dubaï, c’est la douche froide. Certains parlent déjà de déménager à Singapour, en Suisse ou même au Salvador.

Mais d’autres, plus mesurés, y voient une opportunité.

Un fondateur de protocole DeFi (qui préfère rester anonyme) m’a expliqué : « Une licence CBUAE, c’est un gage de sérieux énorme. Les institutionnels qui hésitaient à investir dans notre protocole vont maintenant pouvoir le faire les yeux fermés. »

Et il n’a pas tort. BlackRock, Goldman Sachs ou HSBC ont tous des bureaux à Dubaï. Pour eux, un cadre clair et strict est souvent préférable à l’incertitude juridique.

Comparaison internationale : où en sont les autres grands hubs ?

Pour comprendre si les EAU deviennent « trop stricts », il faut regarder ailleurs.

  • Europe (MiCA) : licence obligatoire depuis 2024, mais processus long et coûteux
  • Singapour : très strict sur la garde, mais tolérant sur les protocoles purement on-chain
  • Hong Kong : licences SFC exigées, mais nombreux projets DeFi toujours dans le gris
  • Suisse : FINMA très souple sur le self-custody
  • USA : SEC hostile, mais certains États (Wyoming, Texas) très accueillants

Conclusion ? Les Émirats restent dans la moyenne haute des pays « crypto-friendly », mais ils sortent clairement du « tout est permis » qui prévalait jusqu’en 2024.

Ce que les projets DeFi doivent faire avant septembre 2026

Le compte à rebours est lancé. Voici le plan d’action recommandé par les avocats spécialisés que j’ai interrogés :

  1. Auditer immédiatement son activité pour voir si elle tombe sous le champ du Décret-loi n°6
  2. Contacter un cabinet local (Al Tamimi, BSA Law, Clyde & Co) pour préparer le dossier CBUAE
  3. Prévoir un budget licence entre 500 000 et 2 millions USD selon la complexité
  4. Anticiper les exigences KYC/AML renforcées sur les utilisateurs
  5. Envisager une structure hybride : partie custodiale licenciée + partie non-custodiale offshore

Certains projets choisissent déjà la voie radicale : déplacer le cœur décentralisé du protocole hors EAU tout en gardant une entité commerciale licenciée à Dubaï.

Et pour les utilisateurs ? Rien ne change… pour l’instant

Bonne nouvelle : télécharger MetaMask, faire du yield farming ou détenir ses clés privées reste 100 % légal pour les particuliers.

La régulation cible les prestataires de services, pas les utilisateurs finaux. C’est exactement la même philosophie que MiCA en Europe.

Mais à terme, si tous les gros protocoles DeFi deviennent licenciés, il y aura probablement plus de KYC, moins d’anonymat, et des rendements potentiellement plus faibles (à cause des coûts de conformité).

« Le Far West est terminé. Bienvenue dans la DeFi institutionnelle. »

Un VC basé à Dubaï, novembre 2025

Les Émirats Arabes Unis viennent d’envoyer un message clair au monde : ils veulent rester leaders du Web3, mais plus à n’importe quel prix.

Pour les projets sérieux, c’est une opportunité historique de se légitimer. Pour les autres… la porte de sortie est grande ouverte.

Le prochain bull run ne se fera peut-être plus dans le sable de Dubaï, mais il se fera certainement avec des licences.

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