Imaginez une plateforme où des millions de tokens numériques naissent chaque jour, promettant des fortunes rapides, mais où 98 % d’entre eux s’effondrent en moins de 24 heures. Bienvenue dans l’univers controversé de Pump.Fun, une usine à memecoins basée sur Solana qui fait face à une tempête judiciaire sans précédent. Une troisième plainte fédérale, déposée en juillet 2025, accuse la plateforme et ses partenaires d’avoir orchestré une fraude massive, qualifiée de « casino de memecoins truqué ». Alors, Pump.Fun est-elle une opportunité en or ou un piège pour les investisseurs ? Plongeons dans cette affaire brûlante.
Pump.Fun : une usine à memecoins sous le feu des critiques
Lancée en janvier 2024, Pump.Fun s’est imposée comme un acteur majeur dans l’écosystème des memecoins, ces cryptomonnaies souvent humoristiques ou spéculatives. En permettant à quiconque de créer un token en quelques clics, sans compétences techniques, la plateforme a attiré des millions d’utilisateurs. Mais cette accessibilité a un revers : des accusations de manipulation et de fraude qui secouent aujourd’hui l’industrie crypto.
Les chiffres clés de Pump.Fun :
- Plus de 11 millions de tokens lancés depuis janvier 2024.
- 98 % des tokens s’effondrent en moins de 24 heures.
- 722 millions de dollars de frais générés par la plateforme.
- 3,18 milliards de dollars de revenus totaux, incluant Solana et Jito Labs.
Une troisième plainte explosive : des accusations de fraude et de racket
Le 23 juillet 2025, une plainte amendée a été déposée devant le tribunal fédéral du Southern District de New York. Portée par le cabinet Burwick Law, elle accuse Pump.Fun, ses fondateurs, ainsi que des entités comme Solana Labs et Jito Labs, d’avoir mis en place un système de fraude sophistiqué. Les plaignants parlent d’un « casino de memecoins » conçu pour enrichir les insiders au détriment des investisseurs de détail.
Pump.Fun a conçu un système où les premiers joueurs gagnent en revendant leurs tokens aux suivants, dans un cycle rapide d’achat, de vente et d’effondrement.
Extrait de la plainte déposée par Burwick Law
La plainte allègue que Pump.Fun utilise des courbes de liaison automatisées et des bots pour manipuler les prix des tokens, créant une illusion de valeur. Les plaignants comparent ce mécanisme à une machine à sous truquée, où les chances de gain sont réservées à une poignée d’initiés. Cette accusation s’appuie sur le fait que la plateforme aurait généré des revenus colossaux, principalement via des frais de transaction, sans offrir de véritable valeur à long terme.
Des memecoins qualifiés de securities non enregistrés
Un point central de la plainte repose sur la classification des memecoins comme des securities non enregistrés. Selon les plaignants, tous les tokens créés via Pump.Fun répondent aux critères du test de Howey, utilisé par la SEC pour déterminer si un actif est un titre financier. Ce test évalue si un investissement implique une entreprise commune avec une attente de profit dépendant des efforts d’autrui.
Les critères du test de Howey appliqués à Pump.Fun :
- Investissement d’argent : Les utilisateurs achètent des tokens avec des cryptomonnaies.
- Entreprise commune : Pump.Fun contrôle l’infrastructure, la liquidité et la tarification.
- Attente de profit : Les investisseurs espèrent des rendements grâce à la spéculation.
- Dépendance des efforts d’autrui : La plateforme et les influenceurs pilotent la promotion.
Si les tribunaux confirment cette classification, Pump.Fun pourrait être tenu responsable de violations des lois américaines sur les valeurs mobilières. Cette question juridique, encore floue dans l’industrie crypto, pourrait établir un précédent majeur pour d’autres plateformes de memecoins.
Un historique judiciaire chargé
Ce n’est pas la première fois que Pump.Fun se retrouve sous les projecteurs judiciaires. Deux plaintes précédentes, déposées en janvier 2025, avaient déjà ciblé la plateforme pour des pratiques similaires. Ces affaires mettaient en cause des tokens spécifiques comme FWOG, GRIFFAIN et PNUT (Peanut the Squirrel), qui ont connu des hausses spectaculaires suivies de chutes brutales.
Les tokens comme FWOG ont été promus comme des concurrents de memecoins à succès, mais leur valeur reposait sur du vent.
Extrait du dossier judiciaire
La plainte de janvier, portée par Diego Aguilar, accusait Pump.Fun d’avoir collaboré avec des influenceurs pour créer une frénésie spéculative. Ces tokens, souvent soutenus par des campagnes marketing agressives, attiraient les investisseurs avant de s’effondrer, laissant les retardataires avec des pertes importantes. La nouvelle plainte va plus loin, en intégrant des accusations de racket et de fraude électronique, impliquant des acteurs majeurs comme Solana Labs.
Le rôle controversé des partenaires : Solana et Jito Labs
La plainte ne se limite pas à Pump.Fun. Elle vise également Solana Labs, la fondation à l’origine de la blockchain Solana, et Jito Labs, une entité spécialisée dans l’optimisation des transactions. Selon les plaignants, ces organisations auraient joué un rôle clé dans le prétendu schéma frauduleux en fournissant l’infrastructure technique et en facilitant les transactions rapides des insiders.
Les acteurs impliqués dans la plainte :
- Pump.Fun : Plateforme accusée de manipuler les lancements de tokens.
- Solana Labs : Fournisseur de l’infrastructure blockchain.
- Jito Labs : Optimisation des transactions pour les insiders.
- Fondateurs : Alon Cohen, Dylan Kerler et Noah Tweedale.
Les plaignants soutiennent que cette collaboration a permis de créer un écosystème où les premiers acheteurs, souvent des bots ou des insiders, pouvaient revendre leurs tokens à des prix gonflés avant que le marché ne s’effondre. Ce mécanisme, comparé à un schéma de Ponzi, aurait généré des profits massifs pour les parties impliquées.
Un passé entaché de controverses
Pump.Fun n’est pas étrangère aux scandales. En novembre 2024, sa fonctionnalité de streaming en direct a suscité une vive polémique. Des utilisateurs ont diffusé des contenus choquants, allant de la violence à des actes de cruauté envers des animaux, pour promouvoir leurs tokens. Cette dérive a conduit la plateforme à désactiver cette option, mais le mal était fait : la réputation de Pump.Fun en a pris un coup.
La fonction de streaming a transformé Pump.Fun en un spectacle d’horreur digne de Black Mirror.
Yuriy Brisov, partenaire chez Digital and Analogue Partners
En mars 2024, l’autorité financière britannique avait également émis un avertissement contre la plateforme, entraînant l’interdiction des utilisateurs basés au Royaume-Uni. Ces incidents, combinés aux plaintes judiciaires, dressent le portrait d’une entreprise opérant dans une zone grise réglementaire.
Une défense musclée face aux accusations
Face à ces accusations, Pump.Fun renforce ses défenses. En juin 2025, la société mère, Baton Corporation, a recruté des avocats de renom, dont Daniel L. Sachs, ancien enquêteur de la SEC, et Kyle P. Dorso, spécialiste des litiges crypto. Leur stratégie consistera probablement à contester la classification des memecoins comme securities et à attribuer les pertes des investisseurs à la volatilité naturelle du marché.
La défense de Pump.Fun en trois points :
- Contester la classification des tokens comme securities.
- Attribuer les pertes à la volatilité du marché crypto.
- Mettre en avant l’absence de responsabilité directe pour les actions des utilisateurs.
Ces avocats, qui ont défendu des figures comme Shaquille O’Neal dans des affaires similaires, apportent une expertise de poids. Cependant, la bataille s’annonce rude, car les plaignants, représentés par Burwick Law et Wolf Popper LLP, semblent déterminés à aller jusqu’au bout.
Un impact potentiel sur l’industrie crypto
Ce procès pourrait redéfinir les règles du jeu pour les plateformes de memecoins. Si les tribunaux concluent que les tokens de Pump.Fun sont des securities, d’autres plateformes pourraient être contraintes d’adopter des mesures de conformité strictes, comme des protocoles KYC (Know Your Customer) et AML (Anti-Money Laundering). Cela pourrait freiner l’innovation dans l’espace des memecoins, mais aussi protéger les investisseurs contre les dérives.
Ce procès pourrait être un tournant pour l’industrie crypto, obligeant les plateformes à choisir entre innovation et conformité.
Max Burwick, avocat chez Burwick Law
Avec l’administration Trump, qui semble vouloir assouplir la régulation crypto via une nouvelle task force, l’issue de ce procès reste incertaine. Une chose est sûre : l’affaire Pump.Fun met en lumière les risques inhérents à l’engouement pour les memecoins et la nécessité d’une régulation claire.
Comment les investisseurs peuvent-ils se protéger ?
Face à ces révélations, les investisseurs doivent redoubler de prudence. Voici quelques conseils pour naviguer dans l’univers risqué des memecoins :
Stratégies pour investir en toute sécurité :
- Recherchez la transparence : Vérifiez l’équipe derrière un token et son historique.
- Diversifiez vos investissements : Ne misez pas tout sur un seul memecoin.
- Utilisez des stop-loss : Limitez vos pertes en cas de chute soudaine.
- Méfiez-vous des promesses irréalistes : Les rendements spectaculaires cachent souvent des arnaques.
En attendant l’issue du procès, les investisseurs doivent rester vigilants et privilégier les plateformes régulées. L’histoire de Pump.Fun montre que l’excitation des memecoins peut rapidement se transformer en cauchemar financier.
Conclusion : un avenir incertain pour Pump.Fun
L’affaire Pump.Fun illustre les tensions entre innovation et régulation dans le monde des cryptomonnaies. Alors que la plateforme continue de générer des revenus impressionnants, les accusations de fraude et de manipulation jettent une ombre sur son modèle économique. Ce procès pourrait non seulement déterminer l’avenir de Pump.Fun, mais aussi redessiner les contours de l’industrie des memecoins. Une chose est certaine : dans ce casino numérique, les joueurs doivent apprendre à lire les petites lignes avant de miser.