Imaginez une blockchain qui bat tous les records d’activité, avec des millions de transactions par jour, des adresses actives en forte hausse, et pourtant son token natif qui s’effondre sans relâche. C’est exactement ce qui arrive à Polygon en cette fin d’année 2025. Le contraste est saisissant et soulève de vraies questions sur la façon dont le marché valorise les projets crypto.
Le paradoxe Polygon : explosion d’activité et chute libre du prix
Depuis le passage de MATIC à POL l’année dernière, le token de Polygon n’a cessé de perdre du terrain. Aujourd’hui, il cote autour de 0,12 dollar, un niveau jamais vu cette année. Cette dégringolade intervient pourtant au moment où le réseau affiche des fondamentaux parmi les plus solides du secteur.
Le déclencheur de cette vague d’activité ? Le hard fork Madhugiri, activé récemment. Cette mise à jour technique a apporté des améliorations significatives qui changent la donne pour les utilisateurs et les développeurs.
Qu’est-ce que le hard fork Madhugiri a vraiment changé ?
Cette upgrade n’est pas anodine. Elle a permis d’augmenter la vitesse des transactions de 33 %, d’introduire un consensus de bloc en une seconde seulement, et de rendre Polygon compatible avec la dernière mise à jour Ethereum Fusaka.
Les effets sont immédiats et mesurables. Le réseau a traité plus de 8,1 millions de transactions en une seule journée peu après l’activation. Un pic qui représente le niveau d’activité le plus élevé des trois derniers mois.
Post-Madhugiri, Polygon vient de traiter plus de 8,1 millions de transactions en une journée. C’est ce que signifie une vraie échelle réelle.
Sur les trente derniers jours, les chiffres sont encore plus impressionnants. Les transactions ont bondi de 93 % pour atteindre plus de 158 millions. Polygon se place ainsi en deuxième position des chaînes les plus dynamiques, juste derrière Monad.
Les adresses actives ne sont pas en reste. Elles ont augmenté de 54 % sur la même période, dépassant les 13 millions. Conséquence directe : les frais collectés ont progressé de 27 % pour atteindre 778 000 dollars.
Le mécanisme de burn qui pourrait tout changer
Ce dernier point mérite qu’on s’y attarde. Polygon brûle systématiquement une partie des frais générés sur son réseau. Ce mécanisme déflationniste vise à compenser l’émission nouvelle de tokens POL.
Avec la hausse des frais, la pression déflationniste s’accentue. À long terme, cela pourrait réduire l’offre circulante et soutenir le prix. Mais pour l’instant, le marché semble ignorer complètement cet aspect.
Les indicateurs clés post-Madhugiri en un coup d’œil :
- Transactions journalières record : plus de 8,1 millions
- Croissance mensuelle des transactions : +93 % (158 millions)
- Adresses actives mensuelles : +54 % (13 millions)
- Frais collectés : +27 % (778 000 dollars)
- Position dans le classement croissance : 2e derrière Monad
Polymarket, le moteur caché de la croissance
Un acteur joue un rôle majeur dans cette renaissance : Polymarket. La plateforme de marchés de prédiction, qui tourne entièrement sur Polygon, connaît une adoption fulgurante.
En novembre seul, le volume traité sur Polygon via Polymarket a atteint 4,3 milliards de dollars. Un record absolu pour la plateforme. Et avec son expansion récente aux États-Unis, ce chiffre devrait continuer à grimper.
Cela illustre parfaitement l’utilité réelle de Polygon : une couche scaling efficace pour Ethereum, capable de gérer des volumes massifs à faible coût. Polymarket n’aurait probablement pas pu connaître une telle croissance sur le mainnet Ethereum.
La comparaison qui fait mal avec Sui
C’est là que les choses deviennent vraiment troublantes. Un analyste reconnu a récemment comparé Polygon à Sui, une autre couche 1 qui bénéficie d’une hype importante.
Sur presque tous les métriques objectives, Polygon domine largement. TVL en DeFi supérieur, supply de stablecoins beaucoup plus importante, revenus plus élevés, unlocks moins agressifs. Et pourtant…
Sui est en retard sur Polygon sur presque tous les métriques, a des unlocks massifs mensuels et une inflation importante – et pourtant elle a 5 fois la capitalisation et 15 fois la FDV.
La capitalisation boursière de Sui dépasse cinq fois celle de Polygon. En fully diluted value, l’écart atteint même un facteur quinze. Une distorsion qui défie toute logique fondamentale.
Polygon vs Sui : les chiffres qui ne mentent pas
- TVL DeFi : 1,19 milliard (Polygon) vs 931 millions (Sui)
- Supply stablecoins : 2,825 milliards vs 500 millions
- Revenus novembre : 928 000 dollars vs 724 000 dollars
- Influence unlocks/inflation : avantage clair Polygon
- Capitalisation actuelle : Sui 5x supérieure
Cette comparaison met en lumière un phénomène récurrent en crypto : le marché récompense souvent la narrative et le momentum plus que les fondamentaux purs.
Analyse technique : un pattern qui laisse espérer un rebond
Du côté des graphiques, la situation est sombre mais pas désespérée. Le prix POL a cassé un support majeur à 0,1520 dollar, niveau qui avait tenu à plusieurs reprises auparavant.
Le token évolue sous toutes les moyennes mobiles importantes. Les oscillateurs techniques pointent vers le bas. Classique configuration baissière.
Cependant, un élément attire l’attention des chartistes : la formation d’un falling wedge. Ce pattern, caractérisé par deux lignes de tendance convergentes descendantes, est souvent annonciateur d’un retournement haussier.
Si ce scénario se confirme, le premier objectif haussier serait un retour vers 0,1520 dollar, soit une potentielle hausse de près de 30 % depuis les niveaux actuels.
Pourquoi le marché ignore-t-il ces fondamentaux ?
Plusieurs explications circulent dans la communauté. D’abord, l’effet du changement de ticker MATIC vers POL. Beaucoup d’investisseurs retail n’ont pas fait la transition mentale, et certains exchanges ont été lents à adapter l’affichage.
Ensuite, la concurrence féroce dans le secteur des layer 2 et des chaînes alternatives. Base, Arbitrum, Optimism, mais aussi les nouvelles venues comme Sui ou Monad captent l’attention et les capitaux.
Enfin, le contexte macro pèse. Bitcoin autour de 90 000 dollars, Ethereum sous les 3 100 dollars : le marché crypto global reste sous pression baissière en cette fin 2025.
Polygon est-il sous-valorisé ou piégé dans un cercle vicieux ?
La question centrale reste entière. Les métriques on-chain suggèrent une sous-valorisation massive. Le réseau n’a jamais été aussi utilisé, aussi efficace techniquement.
Mais tant que le prix continue de baisser, l’attractivité pour les nouveaux développeurs et projets pourrait s’émousser. C’est le risque du cercle vicieux : moins de hype, moins d’afflux de capitaux, prix plus bas, perception négative renforcée.
À l’inverse, un catalyseur pourrait tout changer rapidement. Une annonce majeure, un partenariat stratégique, ou simplement le déclenchement du pattern technique pourrait réveiller l’intérêt.
Perspectives pour 2026 : raisons d’être optimiste
Plusieurs éléments plaident pour un retour en force de Polygon. D’abord, la roadmap technique reste ambitieuse avec de nouvelles améliorations prévues.
Ensuite, l’écosystème continue de se développer. Polymarket n’est qu’un exemple parmi d’autres de dApps qui choisissent Polygon pour sa performance et ses coûts.
Enfin, le mécanisme de burn des frais, combiné à une activité soutenue, pourrait créer une vraie rareté du token à moyen terme.
Dans un marché crypto qui mûrit, les projets avec une utilisation réelle et des métriques solides finissent souvent par être récompensés. Polygon semble aujourd’hui dans cette catégorie des mal-aimés à fort potentiel.
Le paradoxe actuel entre activité record et prix déprimé ne durera peut-être pas éternellement. Les investisseurs patients pourraient y voir une opportunité rare d’accumuler à bas prix un projet aux fondamentaux exceptionnels.
Reste à savoir si le marché saura reconnaître la valeur avant qu’il ne soit trop tard, ou si Polygon continuera d’être pénalisé par des dynamiques irrationnelles. L’histoire des cryptomonnaies nous a déjà montré que les retournements les plus spectaculaires partent souvent des situations les plus absurdes.

