Imaginez une plateforme décentralisée qui permet à des millions d’utilisateurs d’échanger des tokens sans intermédiaire, devenue en quelques années l’un des piliers de la finance sur blockchain. Et maintenant, imaginez cette même plateforme dans le viseur d’une des sénatrices les plus critiques envers les cryptomonnaies. C’est exactement ce qui arrive à PancakeSwap en cette fin décembre 2025.
Elizabeth Warren, figure incontournable du camp démocrate et farouche opposante à l’industrie crypto, vient une nouvelle fois de frapper fort. Elle a adressé une lettre cinglante au ministère de la Justice et au Trésor, exigeant des réponses sur les risques que représentent les exchanges décentralisés pour la sécurité nationale.
Et PancakeSwap n’est pas simplement mentionné : il est explicitement cité comme exemple. Le timing est particulièrement délicat, alors que le Congrès repousse à 2026 l’examen d’une loi majeure sur la structure des marchés crypto.
Une lettre qui met le feu aux poudres dans la DeFi
Le 16 décembre 2025, Elizabeth Warren a envoyé une correspondance officielle à Scott Bessent, secrétaire au Trésor, et à Pam Bondi, procureure générale. Le ton est direct : elle demande si des enquêtes sont en cours concernant les « risques significatifs pour la sécurité nationale » posés par les plateformes décentralisées, et cite nommément PancakeSwap.
La sénatrice du Massachusetts ne mâche pas ses mots. Elle évoque la possibilité que ces plateformes servent à financer le terrorisme, à contourner les sanctions internationales ou encore à blanchir de l’argent pour des États comme la Corée du Nord.
Elle fixe même une deadline : les autorités doivent répondre avant le 12 janvier 2026. Un délai court qui montre l’urgence qu’elle attribue à la question.
Pourquoi PancakeSwap est dans le collimateur
PancakeSwap est le plus grand exchange décentralisé sur la BNB Chain. Lancé en 2020, il permet le swap de tokens, le farming de rendement et le staking sans qu’aucune entité centrale ne contrôle les fonds des utilisateurs.
C’est précisément cette absence d’intermédiaire qui inquiète Elizabeth Warren. Selon elle, cette architecture rend quasi impossible la mise en place de contrôles KYC ou de surveillance des transactions suspectes.
La sénatrice s’appuie sur des rapports d’experts en sécurité nationale qui pointent le risque d’exploitation par des acteurs malveillants. Elle rappelle également des cas documentés de blanchiment via des protocoles DeFi.
Le public mérite des réponses claires alors que le Congrès examine des législations visant à prévenir la finance illicite dans le secteur crypto.
Extrait de la lettre d’Elizabeth Warren
Le lien controversé avec World Liberty Financial
Le dossier devient encore plus explosif quand Elizabeth Warren évoque World Liberty Financial, le projet crypto lié à la famille Trump. Selon elle, PancakeSwap aurait promu des tokens associés à cette plateforme.
World Liberty Financial se présente comme une initiative DeFi avec Donald Trump comme « co-fondateur émérite », ses fils Donald Jr. et Eric comme ambassadeurs Web3, et Barron comme visionnaire DeFi.
La sénatrice y voit un risque majeur de conflit d’intérêts. Elle s’interroge sur une possible influence du président sur la politique crypto et sur une application sélective des règles selon les affinités politiques.
Les accusations portées contre World Liberty Financial
- Liens supposés avec des acteurs nord-coréens et russes selon un rapport de septembre 2025.
- Vente de tokens à des adresses liées à des plateformes de blanchiment.
- Connexion directe avec la famille présidentielle, soulevant des questions éthiques.
- Démenti ferme de l’entreprise, qui nie tout manquement.
Un contexte législatif bloqué au Congrès
Alors que cette lettre tombe, le Sénat américain traverse une période d’incertitude réglementaire. Le président de la commission bancaire, Tim Scott, a annoncé le report à 2026 du markup du Responsible Financial Innovation Act.
Cette loi, attendue par beaucoup dans l’industrie, vise à clarifier le cadre des marchés crypto. Son report laisse un vide juridique que les critiques comme Warren exploitent pour pousser à une régulation plus stricte.
Dans le même temps, John Deaton, avocat pro-crypto connu pour avoir défendu les détenteurs de XRP, prépare une nouvelle candidature républicaine contre Warren en 2026. Il avait déjà défié la sénatrice en 2024.
Les risques réels de la DeFi pour la sécurité nationale
Il est indéniable que la DeFi a été utilisée à des fins illicites. Des rapports de Chainalysis montrent que des groupes nord-coréens ont blanchi des centaines de millions via des protocoles décentralisés.
Les mixers comme Tornado Cash, sanctionnés par les États-Unis, ont servi à masquer l’origine de fonds volés. Les exchanges décentralisés, par leur nature permissionless, peuvent être détournés de la même façon.
Cependant, la communauté crypto argue que ces cas représentent une minorité. La plupart des utilisateurs sont des investisseurs légitimes à la recherche de rendement ou d’accès sans barrière.
- Avantages de la DeFi : inclusion financière, transparence on-chain, absence de censure.
- Risques soulignés : anonymat relatif, difficulté de traçage, attraction pour les criminels.
- Solutions proposées par l’industrie : outils d’analyse blockchain, conformité volontaire, protocoles KYC décentralisés.
La position de PancakeSwap face aux critiques
À l’heure actuelle, PancakeSwap n’a pas publié de réponse officielle à la lettre de Warren. La plateforme continue de fonctionner normalement, avec des volumes quotidiens importants sur la BNB Chain.
Historiquement, les équipes derrière les grands DEX préfèrent rester discrètes face aux pressions réglementaires, laissant la gouvernance décentralisée parler.
Le token CAKE, natif de l’écosystème, pourrait subir une volatilité accrue dans les prochaines semaines si la pression réglementaire s’intensifie.
Vers une régulation inévitable de la DeFi ?
Cette offensive d’Elizabeth Warren s’inscrit dans une longue série d’actions contre l’industrie crypto. Elle a déjà contribué à bloquer plusieurs initiatives perçues comme trop favorables aux entreprises du secteur.
Mais le paysage politique a changé avec le retour de Donald Trump. Beaucoup dans la communauté espèrent une approche plus clémente de la nouvelle administration.
Toutefois, les questions de sécurité nationale transcendent souvent les clivages partisans. Même des républicains pro-crypto pourraient soutenir des mesures contre les abus évidents.
La décentralisation n’est pas une excuse pour échapper à la loi.
Position souvent défendue par les régulateurs
Ce que cela signifie pour les utilisateurs de DeFi
Pour l’instant, aucun changement immédiat n’est à prévoir. PancakeSwap reste accessible mondialement. Mais une enquête formelle pourrait entraîner des restrictions géographiques ou des mesures de conformité renforcées.
Certains projets DeFi commencent déjà à intégrer des outils de blacklistage d’adresses sanctionnées pour anticiper les exigences réglementaires.
Les investisseurs doivent rester vigilants : la volatilité réglementaire reste l’un des principaux risques du secteur crypto en 2025-2026.
Conclusion : un bras de fer qui s’annonce long
L’offensive d’Elizabeth Warren contre PancakeSwap et la DeFi marque une nouvelle étape dans la bataille pour la régulation des cryptomonnaies aux États-Unis.
D’un côté, la nécessité de protéger la sécurité nationale. De l’autre, le risque de freiner l’innovation et l’inclusion financière que promet la finance décentralisée.
Les prochaines semaines seront cruciales. La réponse du DOJ et du Trésor, attendue pour janvier, pourrait donner le ton de la politique crypto sous la nouvelle administration.
Une chose est sûre : la DeFi n’en a pas fini avec Washington. Et PancakeSwap, malgré sa popularité, se retrouve au cœur de la tempête.
