Imaginez un instant que les applications décentralisées puissent capter elles-mêmes une partie de la valeur qu’elles génèrent, et la redistribuer à leurs utilisateurs et développeurs. C’est précisément ce que proposent des chercheurs de Paradigm, Dan Robinson et Dave White, avec l’introduction de taxes sur la valeur extractible des mineurs (MEV). Une approche innovante qui pourrait bien redistribuer les cartes dans l’écosystème de la finance décentralisée.
Le défi de la valeur extractible des mineurs (MEV)
Avant d’entrer dans le vif du sujet, rappelons ce qu’est la fameuse MEV. Il s’agit en réalité des profits que les mineurs ou les validateurs peuvent obtenir en réordonnant, en incluant ou en excluant des transactions dans un bloc. Traditionnellement, ces profits reviennent aux propositaires de blocs, comme en témoignent les 1,2 million de dollars engrangés récemment par un bot MEV sur Solana.
Si ces pratiques soulèvent des questions éthiques, elles suscitent aussi l’intérêt des régulateurs. L’Autorité européenne des marchés financiers examine actuellement les mécanismes MEV, y voyant un possible mécanisme d’abus de marché au regard du règlement MiCA. C’est donc dans ce contexte que s’inscrit la proposition de Paradigm.
Fonctionnement des taxes MEV
L’idée est relativement simple : déployer un smart contract qui impose une taxe proportionnelle aux frais de priorité d’une transaction. Ainsi, une application pourrait par exemple prélever une taxe MEV équivalente à 99 $ pour chaque frais de priorité de 1 $, captant ainsi 99 % de la MEV.
Cette méthode permettrait à n’importe quelle application blockchain de mener sa propre enchère MEV, sans nécessiter d’infrastructure hors chaîne supplémentaire. Une solution élégante à des problèmes majeurs en finance décentralisée, comme l’optimisation de l’exécution des transactions sur les DEX ou la réduction des pertes pour les teneurs de marché automatisés (AMM).
Des avantages concrets pour la DeFi
Pour les routeurs de DEX, les taxes MEV pourraient remplacer avantageusement les enchères traditionnelles. Elles garantiraient aux utilisateurs d’obtenir le meilleur prix pour leurs transactions, grâce à un système d’enchères compétitif. Quant aux AMM, qui perdent généralement de la valeur au profit de l’arbitrage, elles pourraient utiliser ces taxes pour capter cette valeur et protéger leurs fournisseurs de liquidité.
Les portefeuilles ne sont pas en reste. En intégrant des taxes MEV, ils permettraient à leurs utilisateurs de récupérer la MEV générée par leurs transactions, augmentant ainsi leurs profits globaux. Un argument de poids pour attirer et fidéliser les utilisateurs.
Les défis à relever
Malgré ces perspectives prometteuses, la mise en œuvre des taxes MEV se heurte à quelques obstacles. Leur efficacité dépend en effet du respect par les propositaires de blocs des règles de classement concurrentiel des priorités. En clair, les transactions doivent être triées en fonction des frais de priorité, sans aucune manipulation.
Tout écart par rapport à ces règles pourrait permettre aux propositaires de blocs de s’approprier la MEV à leur profit. Autre défi de taille : garantir le respect de ces règles de manière décentralisée et sans confiance. Des questions cruciales qui restent encore en suspens.
Vers une répartition plus équitable de la valeur ?
Malgré ces incertitudes, la proposition de taxes MEV portée par Paradigm ouvre des perspectives intéressantes. En offrant aux applications décentralisées un moyen de capter une partie de leur propre valeur, elle pourrait favoriser une répartition plus juste au sein de l’écosystème.
Développeurs et utilisateurs seraient ainsi mieux récompensés pour leur contribution, là où aujourd’hui la MEV profite surtout aux mineurs et aux validateurs. Une petite révolution en perspective, qui pourrait bien rebattre les cartes de la finance décentralisée.
Bien sûr, le chemin est encore long avant une éventuelle mise en œuvre à grande échelle. Mais cette proposition a le mérite de poser les bases d’une réflexion nécessaire sur la répartition de la valeur dans les applications décentralisées. Un débat passionnant qui ne fait sans doute que commencer, et dont nous suivrons les développements avec le plus grand intérêt.
