Les paris sur les élections américaines font débat à Washington. Un groupe de sénateurs emmené par Jeff Merkley de l’Oregon appelle la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) à les interdire, voyant en eux une menace pour la confiance du public dans le processus démocratique. Au cœur de la polémique : la plateforme de paris décentralisés Polymarket, qui a connu un succès fulgurant en permettant de parier sur des événements politiques.
Des sénateurs inquiets pour l’intégrité des élections
Dans une lettre adressée au président de la CFTC Rostin Behnam, les parlementaires démocrates dont Richard Blumenthal, Elizabeth Warren et Sheldon Whitehouse expriment leur soutien à une règle proposée par l’agence qui interdirait les contrats sur les résultats électoraux américains. Ils y voient un moyen de « restaurer la confiance » des électeurs qui pourraient douter du poids de leur vote face à l’influence de paris à gros enjeux.
Selon eux, autoriser de tels marchés risque d’entraîner de la corruption, d’influencer les résultats et d’éroder la confiance dans les élections. Les sénateurs insistent sur le fait qu’une élection n’est pas une entreprise à but lucratif et qu’il faut à tout prix empêcher sa marchandisation. Ils mettent en garde contre le risque que de gros paris provenant d’individus et d’entreprises fortunés ne portent atteinte à l’intégrité du scrutin.
Les paris électoraux avilissent fondamentalement le caractère sacré de notre processus démocratique. Les paris politiques changent les motivations derrière chaque vote, remplaçant les convictions politiques par des calculs financiers.
Extrait de la lettre des sénateurs américains à la CFTC
Ils pointent notamment du doigt le risque que des milliardaires parient des sommes considérables tout en finançant des candidats ou des partis, et que des initiés politiques misent en utilisant des informations non publiques. Tout cela ne ferait que dégrader encore davantage la confiance du public dans le processus électoral, préviennent-ils.
Polymarket, le pari politique à plus d’un milliard de dollars
C’est la plateforme Polymarket qui cristallise les inquiétudes des législateurs. Ce marché prédictif décentralisé utilisant la blockchain Polygon a connu un essor impressionnant grâce à sa transparence et à la diversité des événements sur lesquels il est possible de parier, y compris les élections.
Les utilisateurs y achètent des parts en USD Coin (USDC) dont la valeur fluctue en fonction du sentiment du marché. En juillet, plus de 1,5 million de paris ont été enregistrés sur Polymarket pour un volume total dépassant le milliard de dollars, dopé par les débats sur la présidentielle américaine de 2024.
Les cotes des principaux candidats sur Polymarket en juillet :
- Donald Trump : 57% de chances de victoire, 54 millions de dollars pariés
- Kamala Harris : 39% de chances de victoire, 38,5 millions de dollars pariés
- Ron DeSantis, Gavin Newsom, Joe Biden… loin derrière
Si ce marché en plein boom inquiète certains élus, d’autres y voient au contraire un baromètre utile de l’opinion. Le débat est loin d’être tranché, mais une chose est sûre : Polymarket, qui avait déjà fait l’objet d’une enquête de la CFTC pour de possibles infractions en 2021, n’a pas fini de faire parler de lui à l’approche de l’échéance électorale de 2024.
Vers une régulation des marchés prédictifs ?
La controverse autour de Polymarket pourrait bien accélérer les velléités de régulation des marchés prédictifs. Si certains y voient un outil de prévision précieux et un garde-fou contre les manipulations de l’information, d’autres s’inquiètent de dérives potentielles. En tête de liste : le risque de créer des prophéties autoréalisatrices et d’influencer le résultat des élections.
La balle est désormais dans le camp de la CFTC qui devrait trancher prochainement sur l’interdiction ou non des paris électoraux. Sa décision, très attendue, enverra un signal fort sur l’avenir de ces nouveaux marchés qui bousculent nos certitudes démocratiques. Une chose est sûre : le débat est loin d’être clos et promet de s’intensifier à mesure que se rapproche l’élection présidentielle américaine.
