Imaginez : vous transférez 50 dollars de votre portefeuille Ethereum vers un réseau ultra-moderne comme zkSync ou Starknet, et au lieu des quelques centimes espérés, on vous prélève entre 30 et 80 centimes. Frustrant, non ? Surtout quand on sait que l’upgrade Dencun a divisé par dix le coût des données sur Ethereum. Alors d’où vient vraiment cette addition salée qui persiste en 2025 ? La réponse est aussi technique qu’économique : le véritable goulot d’étranglement des ZK-rollups se cache dans la génération même des preuves cryptographiques.

Le coût caché qui freine la révolution ZK

Depuis plusieurs années, la communauté crypto rêve d’une scalabilité qui combine à la fois la sécurité d’Ethereum, la rapidité des rollups et des frais proches de zéro. Les ZK-rollups semblaient être la réponse ultime : ils garantissent l’intégrité des transactions via des preuves mathématiques vérifiables instantanément, sans la longue période de contestation des rollups optimistes. Pourtant, en décembre 2025, la réalité est tout autre.

Les frais sur les principales implémentations ZK (zkSync Era, Polygon zkEVM, Scroll, Linea, Starknet…) oscillent généralement entre 5 et 40 centimes par transaction standard, bien au-dessus des centimes promis par la théorie. Et ce n’est pas la faute de la congestion Ethereum ni du prix du gaz L1. Non. Le coupable principal porte un nom : la génération de la preuve zéro connaissance.

Où va réellement votre argent de frais ?

Une transaction typique sur ZK-rollup se décompose en trois grandes étapes :

  • L’exécution sur le rollup (quasi gratuite)
  • La publication des données (désormais extrêmement bon marché grâce aux blobs post-Dencun)
  • La génération puis la vérification de la preuve cryptographique

Devinez quelle étape représente aujourd’hui entre 60 et 75 % des coûts totaux ? La troisième. Et plus précisément : la partie génération de cette preuve. La vérification, elle, est rapide et peu coûteuse sur Ethereum L1.

« 65 % des revenus de zkSync en Q1 2025 sont allés directement payer des fermes de GPUs centralisées. »

Données officielles zkSync Era – Rapport financier Q1 2025

Pour générer une preuve Groth16 ou PlonK sur un batch de plusieurs milliers de transactions, il faut effectuer des trillions d’opérations mathématiques très spécifiques : multiplications scalaires multiples (MSM), transformations de Fourier sur des corps finis (NTT), le tout sur des courbes elliptiques. Ces calculs sont extrêmement différents des opérations matricielles massivement parallèles sur lesquelles excellent les GPUs grand public et les TPUs.

Quelques chiffres édifiants (estimations 2025) :

  • Une preuve pour 4 000 transactions ≈ 2 à 6 minutes sur 8x A100
  • Coût cloud par preuve : 0,04 $ à 0,25 $ selon la charge
  • Coût amorti par transaction : 1 à 10 centimes
  • Marché mondial des services de proving : estimé > 97 M$ en 2025

Pourquoi les GPUs sont-ils si mauvais pour ça ?

Les cartes graphiques modernes sont des monstres de calcul parallèle flottant. Elles excellent pour les matrices, les convolutions, le rendu 3D, l’entraînement d’IA… Mais les calculs ZK reposent principalement sur des opérations dans des corps finis très grands, avec énormément de dépendances séquentielles dans les algorithmes d’exponentiation et de réduction. Résultat : sur un GPU, 70 à 85 % des cœurs restent inactifs pendant une bonne partie du calcul.

Les benchmarks les plus sérieux montrent que les meilleurs implémentations GPU n’utilisent que 15 à 30 % de la puissance théorique. C’est comme conduire une Formule 1 sur une piste de rallye : le matériel n’est tout simplement pas adapté.

La centralisation inquiétante des provers

Comme la génération de preuves est chère et complexe, la très grande majorité des équipes de ZK-rollups ont choisi d’externaliser cette tâche à des spécialistes : des « Prover-as-a-Service » qui gèrent d’immenses fermes de GPUs (souvent chez AWS, Google Cloud ou des datacenters privés).

Le problème ? Moins de cinq acteurs contrôlent plus de 90 % de la capacité de proving active sur les principaux ZK-L2 en 2025. Cela crée plusieurs risques majeurs :

  • Risque de censure : un opérateur peut refuser de prouver certaines transactions
  • Extraction de MEV : les provers voient le contenu clair des batches
  • Point de défaillance unique : une panne ou maintenance peut stopper plusieurs rollups
  • Extraction de rente : marges très élevées (souvent 70-85 %)

« Externaliser le proving, c’est scaler la confiance, pas la blockchain. »

Vitalik Buterin – Devcon 2024

Des incidents réels ont déjà eu lieu : gel de transactions pendant plusieurs heures sur certains réseaux, pertes de throughput de 20 à 40 % suite à des pannes chez un unique fournisseur… Le paradoxe est saisissant : on construit des systèmes décentralisés qui dépendent finalement d’une poignée de serveurs AWS.

La révolution du hardware spécialisé

Heureusement, la situation commence à changer grâce à une évolution technologique majeure : l’arrivée des puces spécialisées pour le ZK. On parle ici de FPGA optimisés et surtout d’ASICs (Application-Specific Integrated Circuits) conçus exclusivement pour les calculs de preuves zéro connaissance.

Les premiers résultats sont impressionnants. Les gagnants du concours ZPrize 2025 ont démontré des vitesses 10 à 100 fois supérieures par watt comparé aux solutions GPU. Certaines équipes annoncent même des preuves STARK générées en moins de 2 secondes pour des circuits de plusieurs milliards de portes, avec une consommation divisée par 50.

Avantages attendus des ASIC ZK :

  • Latence de preuve divisée par 10 à 100
  • Consommation énergétique divisée par 30 à 60
  • Coût par preuve potentiellement inférieur à 0,001 $ à grande échelle
  • Possibilité de déployer des milliers de nœuds chez des particuliers

Vers des marchés de proving décentralisés

Le hardware seul ne suffira pas. Il faut aussi repenser le modèle économique. Plusieurs projets travaillent sur des marchés décentralisés de preuves où :

  • Les rollups soumettent des « jobs » de proving sur Ethereum
  • Des nœuds spécialisés enchérissent en temps réel
  • Le meilleur prix + la meilleure latence gagne
  • Des pénalités (slashing) sont appliquées en cas de retard ou de fraude

Des initiatives comme Succinct Labs, Brevis ProverNet ou encore le réseau Cysic (lancé fin 2025) montrent déjà des réductions de coûts de 40 à 80 % par rapport aux solutions centralisées actuelles. À terme, le prover deviendrait une commodité, comme le minage de Bitcoin après l’arrivée des ASIC.

Quelles perspectives pour 2026-2028 ?

Si les tendances se confirment, voici un scénario réaliste pour les 24 à 36 prochains mois :

  1. Fin 2025 – mi 2026 : premiers ASIC ZK en production de masse
  2. Mi 2026 : plusieurs réseaux décentralisés de proving en mainnet
  3. 2027 : frais moyens ZK-rollup < 0,01 $ de manière constante
  4. Fin 2027 : TVL cumulée des ZK-L2 > 120 milliards $
  5. 2028 : les ZK-rollups deviennent le standard de facto pour DeFi, gaming, AI on-chain, RWA

Cette trajectoire n’est pas un simple fantasme technologique. Elle repose sur des lois physiques et économiques bien connues : lorsque le hardware spécialisé arrive sur un marché, les coûts chutent de manière exponentielle (cf. courbe d’apprentissage des ASIC Bitcoin entre 2013 et 2017).

Conclusion : le moment de vérité pour les ZK

Les ZK-rollups ne souffrent pas d’un problème théorique ou cryptographique. Ils souffrent d’un problème d’ingénierie économique et de hardware. Dès lors que nous sortirons de l’ère des GPUs généralistes et des fermes centralisées, le modèle économique des ZK deviendra enfin aussi attractif que sa promesse cryptographique.

Le futur des transactions ultra-rapides, ultra-sécurisées et ultra-économiques ne dépend plus seulement des cryptographes. Il dépend désormais des ingénieurs en silicium et des architectes de marchés décentralisés. Et cette révolution est déjà en marche.

La question n’est plus si les frais ZK vont devenir négligeables… mais quand exactement. Et surtout : qui sera prêt à profiter de cette vague quand les preuves coûteront moins cher qu’un like sur un réseau social ?

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