Les cryptomonnaies et la blockchain ne cessent de bousculer le monde de la finance. Et les grandes institutions comptent bien tirer leur épingle du jeu. En témoigne l’inauguration récente du Centre d’innovation de Toronto, fruit d’une collaboration entre la Banque des Règlements Internationaux (BRI) et la Banque du Canada. L’objectif affiché : faire avancer les technologies financières et renforcer le rôle du Canada dans l’évolution des monnaies numériques. Mais derrière les belles paroles, se cache peut-être une tentative de main mise des banques centrales sur l’écosystème crypto. Décryptage.
Un hub pour façonner la finance du futur
Basé à Toronto, ce centre d’innovation blockchain a vocation à devenir un pôle d’expertise sur les technologies financières. Six thèmes prioritaires ont été définis par la Banque des Règlements Internationaux :
- Les monnaies numériques des banques centrales (MNBC)
- La finance verte
- La cybersécurité
- La finance ouverte
- L’innovation réglementaire et de surveillance
- Les infrastructures de marché financier de nouvelle génération
Pour Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, il est essentiel d’innover dans différents domaines et de développer de nouvelles compétences face à l’évolution du secteur financier. De son côté, Agustín Carstens, directeur général de la BRI, voit ce centre comme “une étape importante dans les efforts de la BRI pour construire le système financier du futur”. La volonté de collaborer avec d’autres banques centrales pour promouvoir un système financier plus moderne, efficace et inclusif est clairement affichée.
Quand la BRI mise sur les MNBC et la tokenisation
Ce centre d’innovation n’est que la partie émergée de l’iceberg des ambitions blockchain de la BRI. En janvier dernier, l’institution a dévoilé un vaste programme de travail sur les technologies financières. Au menu : la seconde phase des tests de confidentialité des MNBC et le lancement du “Projet Agora”, une initiative de tokenisation basée sur la blockchain. L’objectif est d’explorer la tokenisation des actifs dans le système financier, en collaboration avec les banques centrales de plusieurs pays (France, Japon, Corée du Sud, Mexique, Suisse, Royaume-Uni, États-Unis).
Le Canada n’a pas été choisi par hasard pour abriter ce hub. Le pays s’est en effet illustré ces derniers mois par ses efforts réglementaires dans le domaine des cryptos. Le régulateur canadien a notamment sollicité des commentaires sur les exigences de divulgation de l’exposition aux crypto-actifs, mettant en avant l’importance de la transparence et de la protection des consommateurs.
Une innovation sous contrôle ?
Mais derrière les discours enthousiastes sur l’innovation, certains y voient une tentative des institutions traditionnelles de s’arroger les avantages des cryptomonnaies sans en accepter les principes fondamentaux. Car ce futur dessiné par la BRI et la Banque du Canada semble étroitement contrôlé, à l’opposé de l’esprit originel des cryptos.
Les banques centrales cherchent à centraliser et surveiller chaque aspect de l’économie numérique, contrairement à l’esprit décentralisé et libre des cryptomonnaies comme le Bitcoin.
Sous couvert d’innovation, on assisterait donc à une bataille entre deux visions. D’un côté, l’ancien monde qui tente de garder la main sur les évolutions technologiques pour ne pas perdre son pouvoir. De l’autre, les acteurs de la nouvelle finance qui veulent s’affranchir des règles pour développer pleinement leurs produits et services innovants.
Alors, le centre d’innovation de Toronto est-il une réelle avancée pour l’écosystème blockchain et crypto ? Ou un cheval de Troie des banques centrales pour mieux contrôler son développement ? L’avenir nous le dira. Une chose est sûre, les institutions financières traditionnelles ont bien compris l’enjeu stratégique que représentent les cryptomonnaies et la blockchain. Et elles ne comptent pas laisser passer le train de l’innovation, quitte à tenter d’en prendre les commandes. À suivre donc.
