La tokenisation de l’immobilier via la blockchain suscite un fort engouement, avec la promesse de rendre ce marché plus liquide et accessible aux petits investisseurs. Cependant, un examen attentif révèle certaines limitations de cette approche, qui freine actuellement son essor.

La tokenisation immobilière : une démocratisation de l’investissement ?

Le principe est de convertir un bien immobilier en tokens numériques échangeables sur une blockchain. Cela permet de fractionner l’actif en parts plus petites et liquides, à la portée d’un plus grand nombre. Via une plateforme dédiée, n’importe qui pourrait ainsi acheter des “morceaux” d’un immeuble et spéculer sur leur valeur.

Les avantages mis en avant sont nombreux : liquidité accrue, baisse des coûts de transaction, possibilité d’investir de petits montants, accès facilité aux marchés immobiliers étrangers… De quoi séduire de nouveaux profils d’investisseurs.

Une sécurisation qui reste limitée

Cette tokenisation prend généralement la forme d’une titrisation (en anglais securitization). Une entité ad hoc est créée pour détenir l’actif immobilier, et émet des tokens représentant des parts de cette structure. D’un point de vue légal, les détenteurs de tokens ne sont donc pas directement propriétaires du bien mais d’une créance sur la société émettrice.

En cela, ce modèle ne bouleverse pas fondamentalement la donne par rapport aux solutions de titrisation immobilière existantes comme les SCPI. Aujourd’hui, les actifs immobiliers titrisés ne représentent qu’une infime partie du marché global. Aux États-Unis par exemple, la capitalisation des fonds immobiliers cotés (REITs) atteignait 1400 milliards de dollars en 2023, soit seulement 1,3% de la valeur totale du parc immobilier américain estimée à 113 000 milliards.

Un token immobilier représente un intérêt économique dans la propriété d’un tiers. Un “token-titre” serait l’enregistrement réel du droit de propriété.

Des gains de valorisation surestimés

L’excitation parfois irrationnelle autour de la “tokenisation de tout” laisse espérer des rendements démesurés. Mais les actifs immobiliers ne se comportent pas comme des actions technologiques ; leurs prix évoluent de façon plus lente et homogène.

C’est ce que confirme l’analyse des REITs, véhicules d’investissement immobilier cotés. Leurs volumes d’échanges quotidiens restent très inférieurs à ceux des grandes places boursières. Surtout, leur performance reflète les tendances générales du marché de l’immobilier sous-jacent.

Quelques données clés sur la taille du marché :

  • Valorisation des REITs américains en 2023 : 1400 milliards $
  • Valorisation totale de l’immobilier américain : 113 000 milliards $
  • Part des actifs immobiliers titrisés : seulement 1,3%
  • Volume quotidien des REITs : ~10 milliards $ (vs. 500 milliards $ pour le marché actions)

Repenser le système de propriété en profondeur

Si la blockchain peut fluidifier et sécuriser l’émission et l’échange de titres immobiliers, elle ne résout pas le cœur du problème : la lourdeur des systèmes d’enregistrement de la propriété. Les registres fonciers restent des administrations fermées fonctionnant sur le papier, qui constituent un goulot d’étranglement.

Pour libérer tout le potentiel de la tokenisation, il faudrait repenser en profondeur les registres eux-mêmes autour de la blockchain. Cela permettrait d’avoir des titres de propriété numériques natifs, échangeables de pair-à-pair, rendant caduques de nombreux intermédiaires. C’est le concept de registre foncier nouvelle génération esquissé par Oleksii Konashevych, chercheur spécialiste du sujet.

En somme, si la tokenisation immobilière ouvre des perspectives intéressantes, il ne faut pas surestimer son impact à court terme. Son essor dépendra de réformes bien plus profondes des systèmes d’enregistrement de la propriété, encore loin d’être à l’ordre du jour dans la plupart des pays.

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