Il y a de ces nouvelles qui secouent le microcosme crypto. Le 26 novembre 2024 restera comme un jour historique, celui où la justice américaine a rendu une décision qui fera date. Car en ce jour, la Cour d’appel fédérale des États-Unis a pris le contre-pied de la décision qui avait placé le protocole de mixage de transactions Tornado Cash sous le feu des sanctions de l’OFAC (Office of Foreign Assets Control) en août 2022.
Cette décision est saluée de toutes parts comme une victoire éclatante pour la liberté numérique, le respect de la vie privée des utilisateurs de cryptomonnaies et plus globalement pour l’écosystème crypto. Décryptage d’un jugement qui pourrait bien faire jurisprudence.
Les smart contracts de Tornado Cash ne sont pas des “biens”
Revenons d’abord sur le contexte. En août 2022, l’OFAC, le gendarme financier américain, avait décidé de sanctionner Tornado Cash, un protocole décentralisé permettant d’anonymiser les transactions en cryptomonnaies sur la blockchain Ethereum. L’argument avancé était que ce service aurait été utilisé pour blanchir de l’argent et financer des activités illicites, notamment en lien avec la Corée du Nord.
Concrètement, cette sanction interdisait à tout citoyen ou entreprise américaine d’interagir avec les smart contracts de Tornado Cash. Un coup de massue pour ce protocole très populaire et une décision qui avait suscité l’émoi dans la communauté crypto, beaucoup y voyant une atteinte à la vie privée et à la liberté fondamentale de transacter.
Mais voilà que plus de deux ans après, la justice américaine vient de jouer les trublions en invalidant cette sanction. Dans sa décision, la Cour d’appel fédérale a estimé que les smart contracts de Tornado Cash, de par leur nature immuable, ne peuvent être considérés comme des “biens” susceptibles d’être sanctionnés par l’OFAC.
En d’autres termes, les juges reconnaissent que ces lignes de code autonomes et décentralisées ne peuvent être ni possédées, ni arrêtées. Tant qu’il existe une connexion Internet, elles continueront de fonctionner, indépendamment de toute volonté humaine. Un constat qui remet en question la pertinence même des sanctions de l’OFAC.
La technologie blockchain sous le prisme de la liberté
Pour beaucoup, cette décision est une victoire historique pour les défenseurs de la vie privée et des libertés sur la blockchain. Rappelons que Tornado Cash est avant tout un outil d’anonymisation des transactions. Si certains y voient un paradis pour blanchisseurs d’argent, ses partisans soutiennent qu’il s’agit d’un rempart essentiel contre la surveillance de masse.
Certes, l’OFAC avait tenté de lier Tornado Cash à des activités criminelles. Mais pour la Cour d’appel, cet argument ne justifie pas la mise au ban de l’ensemble de la technologie. Bill Hughes, conseiller chez Consensys, résume bien l’enjeu :
Une bataille juridique portée par Coinbase
Cette victoire ne sort pas de nulle part. Elle est le fruit d’un long combat juridique mené par six plaignants, dont un utilisateur de Tornado Cash, Joseph Van Loon, avec le soutien actif de Coinbase, le géant américain des plateformes d’échange de cryptomonnaies.
Depuis août 2022, les plaignants n’ont cessé de marteler que Tornado Cash n’est ni une entité, ni une personne, mais un simple logiciel open source. Un argument qui a visiblement fait mouche auprès des juges. Paul Grewal, le directeur juridique de Coinbase, a salué cette issue comme “une victoire historique pour la crypto et pour tous ceux qui défendent la liberté”.
Le jeton TORN s’envole, signe d’un soulagement
Signe que cette décision était très attendue par le marché, le jeton de gouvernance de Tornado Cash, TORN, a littéralement explosé à l’annonce de la nouvelle. De 3,60 $, il est monté jusqu’à 35 $ avant de se stabiliser autour de 16,70 $. Une hausse fulgurante qui témoigne du soulagement de la communauté crypto.
Alors, l’affaire est-elle close pour autant ? Difficile à dire. Mais une chose est sûre : ce jugement vient redéfinir les limites de ce que les régulateurs peuvent imposer dans un écosystème où les technologies décentralisées échappent par nature aux règles du jeu traditionnel.
C’est une victoire pour la liberté, certes, mais aussi un rappel que la bataille entre vie privée et surveillance est loin d’être terminée. Car si la justice a tranché en faveur de Tornado Cash, nul doute que les régulateurs continueront de chercher des moyens de contrôler ces technologies disruptives.
Une chose est sûre : cette décision fera date et sera scrutée de près par tous les acteurs de l’écosystème crypto. Elle pourrait bien servir de jurisprudence pour les futurs litiges impliquant des protocoles décentralisés. Une nouvelle ère s’ouvre peut-être pour la régulation des cryptomonnaies, une ère où la technologie ne pourra plus être jugée comme une simple propriété.
Affaire à suivre donc, mais en attendant, c’est une belle victoire pour Tornado Cash et pour tous ceux qui croient en la liberté fondamentale de transacter de façon privée. La crypto n’a pas fini de bousculer le statu quo juridique et réglementaire.