La récente intervention de Michael Saylor, fondateur de MicroStrategy, a mis le feu aux poudres dans l’écosystème des cryptomonnaies. Lors d’une interview publiée le 21 octobre, le milliardaire a pris une position pour le moins controversée : il recommande aux détenteurs de bitcoins de confier leurs précieux BTC à des banques considérées comme “too big to fail”, suggérant que ces grandes institutions financières seraient les mieux placées pour assurer la sécurité de leurs cryptoactifs. Une prise de position qui n’a pas manqué de faire réagir la communauté, à commencer par Vitalik Buterin, le célèbre co-fondateur d’Ethereum.

Le self-custody, pierre angulaire de la philosophie Bitcoin

Pour bien comprendre l’ampleur de la polémique, il faut revenir aux fondamentaux de Bitcoin et des cryptomonnaies en général. L’un des principes cardinaux de cet écosystème est résumé par l’adage bien connu : “Not your keys, not your coins” (Pas vos clés, pas vos pièces). En d’autres termes, seul celui qui détient les clés privées de son portefeuille peut être considéré comme le véritable propriétaire de ses cryptomonnaies. C’est ce qu’on appelle le self-custody, ou l’auto-détention.

Cette approche, qui responsabilise l’utilisateur en lui donnant un contrôle total sur ses fonds, est au cœur même de la proposition de valeur de Bitcoin. En effet, la première cryptomonnaie a été créée dans le sillage de la crise financière de 2008, avec pour ambition de s’affranchir du système bancaire traditionnel jugé défaillant et de redonner le pouvoir aux individus sur leur argent. Le self-custody apparaît donc comme une composante essentielle de la décentralisation et de la résilience de Bitcoin.

Vitalik Buterin monte au créneau

C’est donc sans surprise que les propos de Michael Saylor ont fait bondir Vitalik Buterin. Le prodige canadien, figure de proue de l’écosystème Ethereum, n’a pas mâché ses mots, qualifiant l’idée de confier ses bitcoins aux banques de “complètement folle”. Pour Buterin, cette approche va à l’encontre des valeurs fondamentales de décentralisation et d’autonomie financière qui sont au cœur du projet crypto.

Dans le monde de la crypto, la capacité de retirer ses avoirs en self-custody est un garde-fou essentiel contre la centralisation.

Vitalik Buterin, co-fondateur d’Ethereum

D’autres figures emblématiques de l’écosystème ont rapidement rejoint le camp de Buterin. C’est le cas de Jameson Lopp, fervent défenseur du self-custody, qui souligne que la garde personnelle des bitcoins renforce non seulement la sécurité individuelle, mais aussi la résilience du réseau dans son ensemble. Erik Voorhees, fondateur de la plateforme d’échange décentralisée ShapeShift, abonde dans le même sens, insistant sur le fait que la possibilité de retirer ses bitcoins en auto-détention est un garde-fou essentiel contre les dérives centralisatrices.

Les ambitions bancaires de MicroStrategy

Si la position de Michael Saylor a de quoi surprendre, elle s’inscrit néanmoins dans la logique de sa stratégie d’entreprise. Depuis août 2020, MicroStrategy a massivement investi dans Bitcoin, accumulant à ce jour plus de 130 000 BTC, soit environ 4 milliards de dollars au cours actuel. Cette diversification audacieuse de la trésorerie de l’entreprise vise à la protéger contre l’inflation et la dépréciation du dollar.

Mais Saylor ne compte pas s’arrêter là. Il ambitionne de faire de MicroStrategy la plus grande banque Bitcoin au monde, avec pour objectif affiché une capitalisation boursière de 1 000 milliards de dollars. Dans cette optique, on peut comprendre son intérêt à voir les bitcoins confiés aux grandes banques traditionnelles, qui pourraient ainsi légitimer et populariser l’adoption de la cryptomonnaie auprès d’un public plus large.

Les risques du custody bancaire

Cependant, cette vision ne fait pas l’unanimité, loin s’en faut. Pour de nombreux puristes de la crypto, confier ses bitcoins à une banque revient à reproduire les mêmes schémas de dépendance et de vulnérabilité que ceux du système financier traditionnel. C’est précisément ce que Bitcoin cherche à transcender.

De plus, l’histoire récente a montré que même les institutions réputées “too big to fail” ne sont pas à l’abri d’une faillite, comme en témoigne le tristement célèbre cas de Lehman Brothers en 2008. Dans l’univers des cryptos, les exemples d’exchanges ou de services de custody qui ont perdu les fonds de leurs utilisateurs suite à des piratages ou des malversations ne manquent pas non plus.

Les risques du custody tiers pour vos bitcoins :

  • Piratages et failles de sécurité
  • Malversations et fraudes internes
  • Saisies ou censure gouvernementale
  • Perte d’accès en cas de faillite de l’entité
  • Frais et commissions sur les transactions

Le self-custody, une responsabilité individuelle

Face à ces dangers, de nombreux membres de la communauté crypto préconisent le self-custody comme la méthode la plus sûre pour préserver son patrimoine en bitcoins. Bien sûr, cela implique une certaine responsabilité individuelle : il faut se former aux bonnes pratiques de sécurité, utiliser des portefeuilles matériels (hardware wallets), sauvegarder sa phrase de récupération (seed phrase) et la conserver en lieu sûr.

Mais pour beaucoup, cette autonomie est justement l’essence même de Bitcoin : reprendre le contrôle sur son argent, sans dépendre d’un tiers de confiance. C’est le prix à payer pour une véritable souveraineté financière à l’ère numérique.

Quel avenir pour la garde des bitcoins ?

Au final, le débat soulevé par Michael Saylor révèle les tensions qui traversent l’écosystème crypto, entre d’un côté les tenants d’une approche puriste et décentralisée, et de l’autre ceux qui voient dans l’institutionnalisation et la régulation un passage obligé pour l’adoption massive des cryptomonnaies.

Il est probable qu’à l’avenir, on assiste à une coexistence de différents modèles : des services de custody pour les investisseurs institutionnels et les particuliers recherchant la praticité, et le self-custody pour les utilisateurs plus avertis et soucieux de leur indépendance. Charge à chacun de peser les avantages et les risques en fonction de sa situation et de ses convictions.

Une chose est sûre : le débat est loin d’être clos, et la question de la garde des bitcoins devrait continuer à susciter des discussions passionnées au sein de la communauté crypto dans les années à venir. Car au-delà des considérations techniques, c’est bien la vision même de la finance décentralisée qui est en jeu.

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