Imaginez un instant que pour acheter votre baguette quotidienne, vous deviez vous munir non pas de quelques pièces, mais de liasses entières de billets. C’est malheureusement le quotidien de millions de Vénézuéliens, confrontés à une inflation record qui a vu la valeur du bolivar, la monnaie nationale, s’effondrer. Dans ce contexte de crise économique aigüe, aggravée par les sanctions américaines, la population locale se tourne de plus en plus vers un nouvel outil pour recevoir le soutien financier vital de la diaspora : les cryptomonnaies.
La crypto, une bouée de sauvetage pour les transferts d’argent de la diaspora
Selon le dernier rapport de Chainalysis, les envois de fonds de la diaspora vénézuélienne vers le pays se font de plus en plus en cryptomonnaies. En 2023, elles ont représenté pas moins de 9% des 5,4 milliards de dollars transférés, soit 461 millions de dollars. Une tendance en nette progression depuis 2018.
Jusqu’à présent, ces transferts d’argent des travailleurs émigrés transitaient essentiellement par des services traditionnels comme Western Union ou MoneyGram. Mais entre des frais élevés, des délais importants et des problèmes récurrents d’approvisionnement en devises, la crypto s’impose comme une alternative pertinente et en plein essor.
Un contexte économique catastrophique qui pousse à se tourner vers les cryptos
Le recours croissant aux cryptomonnaies pour les envois de fonds de la diaspora vénézuélienne est indissociable de la situation économique désastreuse que traverse le pays. Malgré d’importantes réserves pétrolières, le Venezuela est englué dans une crise économique sans précédent :
- Une inflation galopante de 686% en 2021, 234% en 2022 et encore 185% en 2023 qui fait s’envoler les prix et plonger la valeur du bolivar.
- Des sanctions américaines qui asphyxient l’économie et compliquent l’accès aux devises.
- Une corruption endémique des autorités et de l’administration qui gangrène le pays.
Face à cette situation, la population n’a souvent d’autre choix pour survivre que de compter sur l’aide financière de proches installés à l’étranger. Des envois de fonds qui permettent de mettre quelques précieux dollars de côté, et pour lesquels la crypto s’avère être un outil de plus en plus incontournable.
La crypto, un outil concret et utile plus qu’un actif spéculatif
Loin des débats enflammés sur les cours et la régulation qui agitent les pays occidentaux, la cryptomonnaie revêt au Venezuela un visage bien différent. Celui d’un outil concret, capable de répondre à un besoin essentiel de la population : recevoir de l’argent de l’étranger de façon rapide, peu coûteuse et sécurisée.
Ainsi, on utilise Bitcoin et surtout les stablecoins comme l’USDT non pas pour spéculer, mais bien pour ce qu’ils sont fondamentalement : des moyens de paiement et de transfert décentralisés. Une utilité concrète qui explique l’adoption croissante des cryptos dans le pays, malgré une position pour le moins ambiguë du gouvernement sur le sujet.
Le gouvernement vénézuélien, entre méfiance et opportunisme
Les autorités vénézuéliennes entretiennent en effet une relation complexe avec les cryptomonnaies. D’un côté, le pays a lancé dès 2018 sa propre cryptomonnaie d’État, le Petro, censée être adossée aux réserves de pétrole. Une initiative qui n’a jamais vraiment convaincu, le Petro peinant à trouver sa place en dehors des effets d’annonce.
Plus récemment, le gouvernement envisageait d’utiliser le stablecoin USDT pour contourner les sanctions américaines. Mais dans le même temps, il a interdit le minage de Bitcoin, officiellement pour des raisons de consommation électrique.
Malgré ces atermoiements, une chose est sûre : pour la population vénézuélienne confrontée à une crise économique et monétaire d’une ampleur inédite, la cryptomonnaie est devenue un outil essentiel. Un moyen de recevoir le soutien financier indispensable de la diaspora, loin des frais et des blocages du système bancaire traditionnel. Une adoption par nécessité qui confirme, s’il en était besoin, l’utilité bien concrète de Bitcoin et des cryptos au-delà de la spéculation.
