L’année 2024 commence fort dans le monde des cryptomonnaies avec une annonce fracassante de la procureure générale de New York, Letitia James. Son bureau a en effet réussi à obtenir de la plateforme d’échange Gemini la coquette somme de 50 millions de dollars, destinée à rembourser les investisseurs lésés par leur programme Gemini Earn. Un véritable coup de tonnerre qui soulève de nombreuses questions sur les pratiques de certains acteurs majeurs du secteur.

Les dessous d’un programme “à haut risque”

Lancé en grande pompe, le programme Gemini Earn promettait des taux d’intérêt alléchants aux investisseurs prêtant leurs cryptomonnaies à Genesis Global Capital, une filiale du Digital Currency Group. Gemini engrangeait au passage de confortables frais d’agent représentant plus de 4% des montants investis.

Mais selon le procès intenté par le bureau du procureur, qui s’appuie sur des documents internes, les dirigeants de Gemini étaient parfaitement conscients des risques élevés liés au programme. L’échange aurait ainsi sciemment trompé les investisseurs, leur faisant miroiter des gains faciles sur un produit en réalité très dangereux.

Gemini a brisé la confiance de centaines de milliers de personnes et escroqué leur argent via son faux programme Earn.

Letitia James, Procureure Générale de New York.

La justice new-yorkaise estime que ces manœuvres trompeuses auraient fait perdre plus de 3 milliards de dollars aux investisseurs, dont au moins 29 000 résidents de l’état de New York. “Gemini a brisé la confiance de centaines de milliers de personnes et escroqué leur argent via son faux programme Earn”, a tonné Letitia James lors de l’annonce de l’accord.

L’effondrement de FTX met le feu aux poudres

Les problèmes ont réellement commencé pour Gemini en novembre 2022, dans le sillage de la faillite retentissante de l’exchange FTX. Genesis, partenaire clé de Gemini Earn, a soudainement suspendu les retraits avant de se placer sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites quelques semaines plus tard. Une situation catastrophique laissant les clients de Gemini dans l’incapacité d’accéder à leurs fonds.

Fondé par les jumeaux milliardaires Cameron et Tyler Winklevoss, Gemini se retrouve au cœur d’un scandale d’ampleur impliquant certains des plus grands noms de l’industrie crypto. Les connections entre FTX, Genesis et le conglomérat Digital Currency Group soulèvent de sérieuses interrogations sur l’opacité et les conflits d’intérêts régnant au sein de cet écosystème.

Les autorités resserrent l’étau

L’accord obtenu par le bureau du procureur de New York constitue une première victoire significative pour les régulateurs dans leur bras de fer avec les géants des cryptomonnaies. Outre le remboursement des 50 millions de dollars en actifs numériques à plus de 230 000 investisseurs lésés, Gemini écope d’une interdiction d’opérer tout programme de prêt dans l’état.

Les points clés du règlement entre Gemini et l’État de New York :

  • Remboursement de 50 millions de dollars aux investisseurs.
  • Plus de 230 000 clients de Gemini Earn concernés.
  • Interdiction pour Gemini d’opérer des programmes de prêt crypto dans l’État.
  • Aucune action requise des investisseurs pour récupérer leurs fonds.

Pour Letitia James, ce règlement doit servir d’avertissement à toute l’industrie : “Les sociétés de cryptomonnaies doivent comprendre que tromper les investisseurs est illégal et ne sera pas toléré par mon bureau”. Un message qui résonne particulièrement fort au vu des déboires récents de nombreux acteurs majeurs du secteur, de Celsius à BlockFi en passant par Voyager Digital.

Des questions en suspens

Si l’accord conclu offre un certain soulagement aux clients floués, de nombreuses zones d’ombre persistent. Qu’en est-il des autres investisseurs non new-yorkais ? Gemini compte des utilisateurs dans le monde entier et le montant total des pertes pourrait être bien plus élevé que les 3 milliards avancés.

De même, la capacité de Genesis et du Digital Currency Group à faire face à leurs engagements est sujette à caution. Les 50 millions obtenus par le procureur représentent moins de 2% du montant total estimé des pertes. Les créanciers de Genesis, qui s’est placé sous le régime des faillites, pourraient devoir se battre pendant des années pour récupérer leur dû.

Enfin, cette affaire pose la question de la responsabilité des dirigeants de Gemini, les frères Winklevoss, qui ont activement promu un produit dont ils connaissaient la dangerosité. Leur fortune personnelle, largement bâtie sur leur investissement précoce dans le Bitcoin, suffira-t-elle à éponger les pertes et regagner la confiance des investisseurs ? Rien n’est moins sûr.

Un électrochoc salutaire pour l’industrie crypto ?

Au-delà du cas Gemini, c’est tout l’écosystème crypto qui se trouve ébranlé par ces scandales à répétition. La faillite de FTX a agi comme un révélateur des dérives d’un secteur encore largement sous-régulé, où les conflits d’intérêts et le manque de transparence semblent monnaie courante.

Face à ces dérives, la réponse des régulateurs se fait plus musclée. Aux États-Unis, la SEC multiplie les actions en justice tandis qu’en Europe, le règlement MiCA promet un cadre strict pour les acteurs des cryptomonnaies. Une évolution qui pourrait être salutaire à long terme en assainissant le secteur, quitte à freiner temporairement son développement.

L’affaire Gemini marque donc un tournant pour une industrie qui doit impérativement regagner la confiance des investisseurs et du grand public. Cela passera nécessairement par plus de transparence, une meilleure protection des consommateurs et un cadre réglementaire adapté. Le chemin est encore long mais les leçons de ces déboires pourraient, espérons-le, poser les bases d’un écosystème crypto plus mature et responsable.

Partager

Passionné et dévoué, je navigue sans relâche à travers les nouvelles frontières de la blockchain et des cryptomonnaies. Pour explorer les opportunités de partenariat, contactez-nous.

Laisser une réponse

Exit mobile version