Imaginez la scène : des années que la communauté Dogecoin rêve d’un ETF spot. Des milliers de tweets, des mèmes à n’en plus finir, Elon Musk qui tease à chaque pleine lune… Et quand enfin Grayscale décroche l’approbation et lance son produit sur le NYSE Arca, le résultat fait pschitt. À peine 1,4 million de dollars de volume le premier jour. Oui, vous avez bien lu : 1,4 petit million. Autant dire une goutte d’eau dans l’océan des ETF crypto qui se négocient désormais en milliards.
On était pourtant nombreux à penser que le DOGE allait enfin avoir son moment de gloire institutionnel. Raté. Le lancement du Grayscale Dogecoin Trust (ticker GDOG) restera probablement comme l’un des plus décevants de l’histoire récente des ETF crypto. Et pourtant, tout semblait aligné pour un succès retentissant.
Un lancement qui fait plonger les attentes
Quand Bloomberg Intelligence avait publié ses estimations il y a quelques semaines, les chiffres donnaient le tournis : plusieurs centaines de millions de dollars d’inflows attendus dans les premières semaines, un volume jour 1 qui pouvait flirter avec les 50 à 100 millions. Rien de tout ça.
Le fonds a ouvert avec seulement 94 700 parts en circulation et un volume de transaction ridicule de 1,4 million de dollars. À titre de comparaison, les ETF Solana avaient fait plus de 15 millions dès les premières heures, et certains ETF XRP avaient même dépassé les 30 millions le jour du lancement.
Les chiffres qui font mal :
- Volume jour 1 : 1,4 million $ (vs 50-100 M$ espérés)
- Parts en circulation au lancement : 94 700 seulement
- Classement parmi les récents ETF crypto : dernier
- Performance du prix DOGE post-lancement : +2,1 % en 24h (correct mais sans folie)
Pourquoi un tel flop ? Les raisons derrière l’échec
Plusieurs facteurs expliquent cette contre-performance spectaculaire.
D’abord, le timing. Le marché est saturé d’ETF crypto depuis l’approbation massive de 2024-2025. Bitcoin, Ethereum, Solana, XRP, Litecoin… les investisseurs institutionnels ont déjà largement rempli leurs paniers. Arriver après la bataille avec un meme coin, aussi culte soit-il, c’est compliqué.
Ensuite, la concurrence directe arrive à grands pas. Bitwise a déjà déposé son propre ETF Dogecoin et pourrait être approuvé d’ici quelques semaines. Beaucoup d’investisseurs préfèrent attendre un produit potentiellement moins cher ou avec un meilleur seeding.
« Grayscale a toujours les frais les plus élevés du marché. Même avec la waiver temporaire à 0 %, tout le monde sait que ça remontera à 0,35 % ensuite. Bitwise arrivera probablement à 0,19 % ou moins. »
Un gérant de hedge fund crypto, anonyme
La stratégie de frais de Grayscale : un pari risqué
Grayscale a bien tenté le coup classique : 0 % de frais pendant les trois premiers mois ou jusqu’à un certain niveau d’AUM. Une stratégie qui avait superbement fonctionné pour leur ETF Bitcoin en 2024… mais qui semble aujourd’hui usée jusqu’à la corde.
Les investisseurs ne sont plus dupes. Ils savent que le vrai frais annuel sera de 0,35 % ensuite – soit parmi les plus élevés du marché des ETF crypto. VanEck, Bitwise ou 21Shares proposent déjà des produits à 0,19-0,25 %. Dans ce contexte, pourquoi se précipiter sur Grayscale ?
Le paradoxe Dogecoin : un actif ultra-populaire… mais peu institutionnel
Voici le cœur du problème : Dogecoin reste avant tout un meme coin communautaire. Sa force, c’est le retail, les petits porteurs, les fans d’Elon Musk, les redditors. Pas les fonds de pension ni les banques privées suisses.
Quand on regarde les ETF Bitcoin ou Ethereum, une grande partie des inflows vient d’institutions qui réallouent 1 à 5 % de leur portefeuille en crypto. Ces mêmes institutions n’ont tout simplement pas Dogecoin dans leur univers d’investissement possible. Trop volatile, trop « blague », pas assez sérieux.
Résultat : l’ETF attire surtout… les particuliers qui arbitrent entre acheter du DOGE directement sur Binance ou via l’ETF. Et pour le particulier moyen, l’ETF n’apporte pas grand-chose : frais plus élevés, pas de staking, liquidité parfois moins bonne. Autant rester sur les exchanges.
Et maintenant ? Trois scénarios possibles pour GDOG
Scénario 1 – Le lent saignement : le fonds reste sous les 100 millions d’AUM pendant des mois, les frais remontent à 0,35 %, les investisseurs fuient vers Bitwise dès son lancement. Grayscale finit par convertir le trust en ETF comme pour GBTC, avec des sorties massives.
Scénario 2 – Le miracle Elon : un tweet du patron de Tesla/X au bon moment (« Dogecoin to the moon with the new ETF ! ») déclenche une vague d’achat retail via les courtiers qui proposent GDOG. Le fonds passe soudain à 500 millions en quelques jours.
Scénario 3 – La résurrection lente : petit à petit, des family offices et des fonds spéculatifs commencent à prendre 0,5-1 % de DOGE via l’ETF pour le côté « fun » et diversification meme coin. Le fonds atteint tranquillement 1 milliard d’ici fin 2026.
Ce que ce lancement nous apprend sur l’état du marché crypto en 2025
Ce lancement raté est en réalité une excellente nouvelle pour la maturité du marché.
Il y a un an, n’importe quel ETF crypto faisait des centaines de millions dès le premier jour, juste parce que c’était nouveau. Aujourd’hui, les investisseurs regardent les frais, la concurrence, le seeding, la liquidité. Le marché devient adulte.
Le simple fait qu’un ETF Dogecoin existe est déjà une victoire dingue pour la communauté. Qu’il démarre doucement ne change rien à cela.
Et rappelons-nous : l’ETF Ark 21Shares Bitcoin avait fait « seulement » 11 millions le premier jour en 2024… avant de devenir l’un des plus gros succès de l’histoire. Tout est possible.
Conclusion : ne pas enterrer le DOGE trop vite
Oui, le lancement du Grayscale Dogecoin ETF est une déception. Oui, les 1,4 million de volume font mal au cœur. Mais non, cela ne signe pas la fin du rêve Dogecoin.
Le meme coin le plus célèbre du monde a survécu à pire : des crashs de 95 %, des années de bear market, des accusations de scam. Un mauvais jour de lancement d’ETF ? Ce n’est rien.
Et quelque part, ce lancement discret est peut-être la meilleure chose qui pouvait arriver à Dogecoin : il évite la bulle spéculative immédiate et les sorties massives qui suivent souvent. Peut-être que cette fois, la montée sera plus saine.
Car une chose est sûre : tant qu’Elon Musk sera là, tant que la communauté existera, tant que le mot « moon » fera rêver des millions de gens… Dogecoin ne mourra jamais.
Le vrai test commence maintenant. Rendez-vous dans trois mois pour voir si GDOG a réussi à dépasser le milliard… ou s’il reste le petit poucet des ETF crypto.
En attendant, une seule chose à faire : HODL.
