Alors que la campagne des élections présidentielles américaines 2024 bat son plein, les plateformes de marchés prédictifs comme Polymarket sont sous le feu des projecteurs. La victoire écrasante de Donald Trump, avec un score de 65% sur ce site de paris électoraux, a de quoi surprendre lorsqu’on la compare aux 48% dont il est crédité dans les sondages traditionnels. Cet écart sidérant soulève de sérieux soupçons de manipulation, relayés par deux enquêtes distinctes. Le doute s’installe : et si le succès de l’ancien président n’était qu’une illusion, le fruit d’une fraude massive ?
Un milliard de dollars évaporé dans les limbes du wash trading
Les investigations menées par Chaos Labs et Inca Digital ont mis en lumière des pratiques de wash trading à grande échelle sur le marché “Gagnant de l’élection présidentielle 2024” de Polymarket. Selon leurs analyses, le volume réel des transactions n’atteindrait que 1,75 milliard de dollars, loin des 2,77 milliards affichés. Le gouffre béant d’un milliard de dollars entre ces deux chiffres interpelle. Comment expliquer un tel écart ?
Positions à un dollar : le piège se referme
Chaos Labs pointe du doigt un biais dans le système de Polymarket : la plateforme intègre dans ses volumes les positions ouvertes à hauteur d’un dollar symbolique. Une astuce qui gonfle artificiellement les chiffres. Ainsi, miser un dollar sur Kamala Harris ne rapporte en réalité que 0,34$, tandis qu’un pari du même montant sur Donald Trump permet d’empocher 0,66$. Ce déséquilibre ouvre la voie à des manipulations.
Pour démêler le vrai du faux, Chaos Labs a épluché les données de la blockchain. En isolant les traders à fort volume, puis en filtrant ceux présentant des signes de wash trading (ratios suspects entre ordres d’achat et de vente), les analystes sont parvenus à une conclusion troublante. Selon leurs estimations, environ un tiers des échanges sur le marché présidentiel seraient le fruit d’activités frauduleuses. Un constat alarmant qui remet en question la fiabilité des chiffres de Polymarket.
Une cryptomonnaie native comme carburant de la fraude ?
L’annonce par Polymarket du lancement prochain de sa propre cryptomonnaie, assortie d’un airdrop, pourrait avoir attisé les convoitises des manipulateurs. Il est probable que les récompenses de cet airdrop soient indexées sur l’activité des utilisateurs sur la plateforme. Un argument de poids pour intensifier le wash trading et s’arroger une part du gâteau plus conséquente lors de la distribution des jetons.
- 1$ misé sur Kamala Harris ne rapporte en réalité que 0,34$
- 1$ parié sur Donald Trump permet d’empocher 0,66$
- Environ 1/3 du volume de trading serait lié à des manipulations selon Chaos Labs
- Le lancement d’une cryptomonnaie native pourrait avoir encouragé la fraude
L’ombre du doute plane sur les paris électoraux
Face à ces révélations inquiétantes, difficile de continuer à prendre pour argent comptant les résultats affichés sur Polymarket. L’avance spectaculaire de Donald Trump apparaît désormais bien fragile. Peut-on encore se fier à ces chiffres pour prendre le pouls de l’opinion ? Rien n’est moins sûr. Les dérives mises en lumière par les enquêtes de Chaos Labs et Inca Digital jettent une ombre sur la crédibilité des marchés prédictifs dans leur ensemble.
Contactée par le média Fortune suite à ces révélations, la plateforme Polymarket s’est voulue rassurante. Elle assure que ses conditions d’utilisation “interdisent expressément les manipulations de marché” et met en avant sa volonté de “fournir aux utilisateurs l’analyse la plus juste possible”. Des dénégations qui peinent à convaincre au vu de l’ampleur de la fraude dévoilée par les investigations.
À l’heure où les cryptomonnaies s’invitent dans le débat présidentiel, cette affaire de wash trading à grande échelle sur Polymarket ébranle la confiance. Elle rappelle la nécessité d’une régulation stricte pour prévenir les dérives sur ces plateformes émergentes. Car la tentation est grande de manipuler les chiffres pour servir des intérêts particuliers, qu’ils soient politiques ou financiers. La transparence et la fiabilité des marchés prédictifs sont en jeu. Sans garde-fous, le risque est grand de voir ces outils prometteurs sombrer dans les travers de la désinformation et de la manipulation de masse.