Imaginez : vous voulez acheter la maison de vos rêves, vous possédez 15 BTC, et au lieu de devoir tout vendre (et payer une fortune d’impôts sur les plus-values), la banque accepte simplement de geler vos bitcoins en garantie. Plus besoin de conversion forcée, vous gardez votre exposition longue sur Bitcoin tout en devenant propriétaire. Ce scénario, qui faisait rire les banquiers il y a encore deux ans, pourrait devenir réalité aux États-Unis dès 2026.
Le 25 juin 2025, William Pulte, directeur de la Federal Housing Finance Agency (FHFA), a publié une directive choc : Fannie Mae et Freddie Mac, les deux géants qui garantissent près de 70 % des hypothèques américaines, doivent désormais prendre en compte les cryptomonnaies dans l’évaluation de la solvabilité et du risque des emprunteurs. Un virage à 180° qui fait trembler les uns et rêver les autres.
Une révolution ou une bombe à retardement ?
Avant de crier au génie ou à la folie, posons les faits. Cette décision ne signifie pas que votre banque de quartier va soudain accepter 100 % de financement contre des Dogecoin. Elle oblige simplement les deux mastodontes du crédit immobilier à créer des méthodologies officielles pour évaluer la valeur et le risque des actifs numériques détenus par les candidats à l’emprunt.
En clair : vos BTC, ETH ou stablecoins pourront être ajoutés à votre patrimoine net, et potentiellement servir de collatéral ou de preuve de capacité financière. Mais à quel prix conditions.
Ce que change concrètement la directive FHFA
- Les cryptomonnaies doivent être détenues sur une plateforme régulée américaine (Coinbase, Kraken, Gemini, etc.)
- Seuls les actifs avec historique de prix suffisant et liquidité élevée seront pris en compte (BTC et ETH presque certains, altcoins plus risqués probablement exclus au départ)
- Une décote importante sera appliquée pour tenir compte de la volatilité (on parle déjà de 50 à 70 %)
- Possibilité de marge call si la valeur du collatéral chute sous un certain seuil
« L’Amérique doit devenir la capitale mondiale de la crypto. Refuser de voir la réalité des actifs numériques possessed par des millions de foyers serait une erreur historique. »
William Pulte, directeur de la FHFA – Juin 2025
Pourquoi cette décision fait débat
Revenons deux mois en arrière. Le 6 novembre 2025, Bitcoin culminait à 124 000 $. Le 18 novembre, il retombait à 90 000 $. Soit une chute de 27 % en moins de 15 jours. Imaginez que votre maison de 800 000 $ soit garantie par 8 BTC. En quelques jours, votre collatéral passe de 992 000 $ à 720 000 $. La banque vous appelle : « Bonjour monsieur, il vous manque 280 000 $ de garantie, merci de compléter sous 48 h ou on liquide. »
C’est exactement ce qui se passe déjà dans la DeFi avec les prêts sur Aave ou Compound. Sauf que là, on parle d’immobilier, pas de trading leverage. Une liquidation forcée = vous perdez vos BTC et votre maison en même temps. Double peine.
Scénario catastrophe vécu par des clients Milo en 2022
- Un emprunteur pledge 20 BTC pour une maison à Miami (valeur collatéral ≈ 200 %)
- Chute de mai 2022 → valeur collatéral passe sous 100 %
- Liquidation automatique → perte de la maison + perte des BTC
- Le client se retrouve sans rien, avec une dette résiduelle
Les avantages (ils existent vraiment)
Parce qu’il faut être honnête : pour une certaine catégorie d’investisseurs, cette ouverture est une bénédiction.
Premier avantage majeur : éviter l’événement taxable. Aux États-Unis, vendre ses cryptos pour acheter une maison déclenche une plus-value imposable (jusqu’à 37 % + 3,8 % NIIT pour les gros patrimoines). En utilisant ses BTC comme collatéral, on diffère indéfiniment cet impôt. Effet boule de neige phénoménal sur 10-20 ans.
Deuxième avantage : effet de levier indirect. Vous gardez 100 % de l’upside sur vos cryptos tout en achetant un actif réel qui, historiquement, s’apprécie aussi (surtout dans les grandes métropoles américaines).
Troisième point : démocratisation. Des millions de jeunes Américains (surtout dans la tech) ont 80-90 % de leur patrimoine en crypto. Aujourd’hui, les banques les regardent comme des pestiférés. Demain, ils pourront enfin accéder au rêve immobilier américain.
Ce qui existe déjà (et ce qui va changer)
Des acteurs comme Milo, Figure ou Ledn proposent déjà des prêts immobiliers adossés à des cryptos depuis plusieurs années. Mais avec des contraintes énormes :
- Collatéralisation à 100 % minimum (parfois 200 %)
- Taux d’intérêt entre 7 et 12 % (contre 6-7 % pour un prêt classique)
- Uniquement BTC et ETH seulement
- Pas de garantie fédérale (si la boîte fait faillite, vous êtes seul)
Avec l’entrée de Fannie Mae et Freddie Mac, tout change. On passe d’un marché de niche (quelques dizaines de milliers de clients) à un marché potentiellement massif, avec garantie fédérale et taux bien plus bas.
Les garde-fous probables
Les autorités ne sont pas folles. Pour éviter le scénario « subprime 2008 version crypto », plusieurs mesures devraient être imposées :
- Décote de 60-70 % sur la valeur des cryptos (ex : 1 BTC à 90 000 $ = 27-36 000 $ de valeur retenue)
- Limite à 30-40 % du patrimoine total en crypto pour l’évaluation
- Obligation de couverture partielle en cash ou actifs traditionnels
- Call de marge progressif avec période de grâce
- Possibilité de substitution de collatéral (remplacer du BTC par du cash si ça sent le roussi)
Et en Europe ? Et en France ?
Pour l’instant, rien. La France reste arc-boutée sur la vision « crypto = spéculation dangereuse ». Même les prêts Lombard (prêts contre portefeuille titres) excluent généralement les cryptos ou appliquent des décotes de 80-90 %. Seuls quelques family offices suisses ou liechtensteinois proposent des solutions haut de gamme… à des taux prohibitifs.
Mais le mouvement américain va faire jurisprudence. Quand les États-Unis bougent, l’Europe suit généralement avec 2 à 5 ans de retard. Attendez-vous à voir les premières banques privées européennes se lancer dès 2026-2027.
Conclusion : opportunité historique avec ceinture et bretelles
Oui, utiliser ses cryptos comme collatéral pour un prêt immobilier comporte des risques réels. Une chute brutale peut tout faire exploser. Mais avec les garde-fous qui s’annoncent et une gestion prudente, cette possibilité ouvre une nouvelle ère pour les détenteurs longue terme.
Si vous avez une vision long terme sur Bitcoin et Ethereum, que votre horizon immobilier est >10 ans, et que vous acceptez de sur-collatéraliser intelligemment, alors cette porte qui s’ouvre est peut-être la plus belle opportunité de votre vie financière.
À vous de décider si vous montez dans le train… ou si vous préférez attendre qu’il soit bien sur les rails.
