Imaginez : vous achetez tranquillement quelques euros de Bitcoin le dimanche soir, et le lendemain matin, un agent du fisc frappe déjà à la porte virtuelle de Coinbase pour demander qui vous êtes, d’où vient l’argent et où il va. Science-fiction ? Non. C’est la nouvelle réalité française en 2025.
Le dernier « Transparency Report » de Coinbase, publié ce 1er décembre 2025, vient de tomber comme un pavé dans la mare crypto hexagonale. Et le chiffre fait mal : +111 % de demandes gouvernementales françaises en un an. Un bond qui propulse la France sur la troisième marche du podium mondial, juste derrière les États-Unis et l’Allemagne.
La France, championne d’Europe de la curiosité crypto
Pour bien comprendre l’ampleur du phénomène, remettons les chiffres en perspective.
Entre le 1er octobre 2024 et le 30 septembre 2025, Coinbase a reçu exactement 12 716 requêtes officielles provenant de plus de 60 pays. C’est déjà +19 % par rapport à l’année précédente. Mais quand on zoome sur l’Hexagone, la courbe devient verticale.
Comparatif des hausses par pays (2024-2025)
- États-Unis : +12 %
- Allemagne : -5 %
- Royaume-Uni : +16 %
- Espagne : +27 %
- France : +111 %
Autrement dit, pendant que l’Allemagne relâche légèrement la pression, la France appuie à fond sur l’accélérateur. Résultat : nous sommes désormais le seul grand pays européen à avoir plus que doublé nos demandes.
Que demandent exactement les autorités françaises ?
Les requêtes peuvent prendre plusieurs formes :
- Identité complète de l’utilisateur
- Historique des transactions
- Adresses IP récentes
- Informations bancaires liées (IBAN, carte utilisée)
- Montant exact en fiat et en crypto
Coinbase précise qu’il n’offre jamais un accès direct aux données. Chaque demande est examinée par leur équipe juridique, et certaines sont refusées ou restreintes si elles sont jugées trop larges. Mais quand la requête est valide et accompagnée d’une décision de justice française… l’exchange n’a pas le choix.
« Nous croyons fermement que la transparence renforce la confiance. C’est pourquoi nous publions ces chiffres chaque année, même quand ils nous mettent dans une position délicate. »
Extrait du Transparency Report Coinbase 2025
Pourquoi une telle explosion en France ?
Plusieurs facteurs se combinent :
D’abord, la mise en place progressive du règlement européen MiCA qui oblige les plateformes à renforcer leurs procédures KYC et à collaborer activement avec les autorités nationales.
Ensuite, la création en 2024 de la Brigade Nationale de Lutte contre la Fraude aux Moyens de Paiement Crypto (BNLF-Crypto) rattachée à la DGFiP et à Tracfin. Cette unité spécialisée dispose désormais d’outils puissants d’analyse on-chain et de coopération directe avec les exchanges.
Enfin, la volonté politique affichée de traquer l’évasion et la fraude fiscale. Le gouvernement a répété à plusieurs reprises que « aucun euro, aucun bitcoin » ne doit échapper à l’impôt.
Les utilisateurs français sont-ils plus surveillés que les autres ?
En volume absolu, non : les États-Unis restent très largement en tête avec plusieurs milliers de requêtes. Mais en croissance relative, oui, la France est championne toutes catégories.
Et ce n’est pas fini. Des sources internes indiquent que la DGFiP prépare pour 2026 un outil d’intelligence artificielle capable de croiser automatiquement les données fiscales déclarées avec les mouvements on-chain détectés via Chainalysis et les rapports des exchanges PSAN.
Coinbase peut-il refuser de répondre ?
Oui et non.
L’exchange a déjà contesté avec succès certaines demandes jugées disproportionnées. Mais dès qu’un juge français émet une ordonnance, Coinbase, en tant que PSAN enregistré auprès de l’AMF, est tenu de coopérer sous peine de sanctions très lourdes.
Résultat : le taux de satisfaction des demandes françaises supérieur à 90 % selon plusieurs observateurs du secteur.
Que faire pour protéger sa vie privée en 2025 ?
Soyons clairs : si vous passez par un exchange centralisé enregistré en France ou en Europe (Coinbase, Binance, Kraken, etc.), vos données sont accessibles aux autorités sous certaines conditions.
Quelques pistes pour ceux qui souhaitent limiter leur exposition :
- Utiliser des wallets non-custodial (Ledger, Trezor, Metamask)
- Privilégier les échanges décentralisés (Uniswap, Thorchain) pour les gros montants
- Éviter de laisser des cryptos dormantes sur un exchange
- Fractionner ses retraits pour rester sous les seuils de déclaration automatique
- Se tenir prêt à justifier l’origine des fonds (factures d’achat, déclarations fiscales passées)
Cela ne vous rendra pas invisible, mais ça complique sérieusement la tâche des enquêteurs.
Vers une surveillance totale des cryptomonnaies ?
Le mouvement est mondial. L’Inde a annoncé vouloir obliger tous les exchanges à transmettre en temps réel les données des citoyens indiens. Singapour et le Japon renforcent aussi leurs dispositifs.
Mais l’Europe, et la France en particulier, semble prendre la tête de cette course à la transparence forcée.
Paradoxalement, cette surveillance accrue pourrait pousser les utilisateurs les plus soucieux de confidentialité vers des solutions réellement décentralisées ou vers des juridictions plus clémentes (Suisse, Émirats, Salvador…).
En attendant, une chose est sûre : en France en 2025, chaque satoshi laisse une trace. Et cette trace est de plus en plus souvent examinée à la loupe.
À vous de jouer prudemment.
