Le réseau Bitcoin a été conçu dès l’origine comme une monnaie décentralisée et résistante à la censure. Mais est-ce vraiment le cas en pratique ? Une étude récente menée par le chercheur Michel Khazzaka s’est penchée sur la question et apporte des éclairages intéressants.

Les risques d’une attaque 51%

Sur une blockchain comme Bitcoin qui utilise un consensus de type Proof-of-Work, le risque d’une attaque 51% plane toujours. Si un acteur malveillant parvient à contrôler plus de la moitié de la puissance de calcul totale du réseau (le fameux hashrate), il peut en théorie imposer sa version de la blockchain et censurer à sa guise les transactions.

Parmi les stratégies possibles pour un attaquant disposant de 51% du hashrate, on peut citer :

  • La double dépense : dépenser plusieurs fois les mêmes bitcoins
  • La censure de transactions ciblées
  • Le selfish mining : miner en secret des blocs pour dépasser la chaîne principale
  • Le déni de service : surcharger le réseau avec des transactions inutiles

L’étude de Michel Khazzaka

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’étude “Bitcoin: Censorship Resistance Against Hash Dominance” publiée par Michel Khazzaka. L’objectif était d’analyser, grâce à des modèles mathématiques probabilistes et des simulations informatiques, l’impact de différents types d’attaques impliquant une concentration du hashrate.

Trois scénarios principaux ont été étudiés :

  1. La Compliance Attack : censure systématique de certaines transactions par un groupe de mineurs dominant
  2. La Selfish Mining Censorship Attack : cumul de la censure et du minage égoïste
  3. La redoutable Détente Attack : censure + selfish mining + collusion de tous les pools d’attaquants

La résistance de Bitcoin face à la Compliance Attack

Bonne nouvelle : les résultats suggèrent que Bitcoin est plutôt bien immunisé contre cette attaque basique de censure, même avec une concentration du hashrate supérieure à 50%.

Ainsi, avec 60% du hashrate, les transactions censurées ne seraient retardées que de 2,5 blocs en moyenne, soit environ 25 minutes.

Même avec 90% du hashrate, le délai moyen ne serait “que” de 10 blocs, soit un peu moins de 2 heures.

Selon l’étude, il faudrait qu’un acteur malveillant contrôle plus de 99% du hashrate pour parvenir à retarder une transaction d’une journée entière !

Le Selfish Mining limité malgré tout

Les simulations montrent que même en combinant censure et selfish mining, les dégâts resteraient relativement contenus :

  • Avec 60% du hashrate, la probabilité de succès d’une telle attaque serait inférieure à 0,1%, pour un délai moyen de 5 blocs
  • Il faudrait au moins 75% du hashrate pour atteindre un taux de réussite de 25%, avec un retard de 129 blocs (environ 1 jour) pour les transactions censurées

Bitcoin peut supporter des attaques de censure avec une concentration de 51%, 60%, voire 90% de la puissance de hachage, sans aucune transaction censurée.

Michel Khazzaka

Bien que coûteux et complexe à mettre en place, le cumul de la censure et du selfish mining ne mettrait pas en péril la neutralité fondamentale de Bitcoin.

La Détente Attack, véritable menace ?

C’est l’attaque ultime envisagée dans l’étude. Elle nécessiterait une collusion totale entre tous les pools attaquants, impliquant une modification du protocole de preuve de travail. Très difficile à réaliser, elle n’en reste pas moins la plus dangereuse.

D’après les calculs de Michel Khazzaka, une telle “Détente Attack” atteindrait un taux de réussite de 100% à partir de 51-52% du hashrate total. Au-delà de ce seuil fatidique, la nuisance en termes de retard des transactions censurées deviendrait exponentielle :

  • Avec 60% du hashrate, près de 16 heures de retard en moyenne
  • Avec 70%, plus de 6 jours de latence !

Même dans ce scénario catastrophe, Bitcoin résiste structurellement jusqu’à environ 50% de concentration du hashrate. Une sorte de ligne rouge à ne pas franchir.

Quels enseignements en tirer ?

Cette étude rassurante montre que malgré certaines failles théoriques, Bitcoin reste globalement très robuste face aux attaques de censure, même en cas de concentration extrême du hashrate.

Cependant, le risque zéro n’existe pas. La communauté Bitcoin doit rester vigilante et tout faire pour encourager une saine décentralisation du minage. Car comme le souligne Michel Khazzaka, la meilleure protection de Bitcoin reste la coopération de son écosystème pour surveiller et contrer les velléités de censure.

Une leçon de résilience et un rappel salutaire des fondements cypherpunk de Bitcoin, qui cultive en son sein les germes de sa résistance.

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