Et si la Suisse, terre d’innovation et de neutralité, ratait le train de la révolution Bitcoin ? Alors que le monde entier observe des nations comme le Salvador accumuler des BTC ou des États américains envisager des réserves stratégiques, la Banque nationale suisse (BNS) vient de poser un sérieux bémol. Dans une déclaration récente, son président, Martin Schlegel, a fermé la porte à l’idée d’intégrer Bitcoin parmi les actifs de réserve du pays. Trop volatil, pas assez liquide, et techniquement risqué : voilà le verdict. Mais ce choix fait débat, surtout dans un pays qui a longtemps été un pionnier des cryptomonnaies.
La Suisse et Bitcoin : Une Relation Ambivalente
La Suisse a toujours eu une longueur d’avance dans le domaine des cryptomonnaies. De la “Crypto Valley” à Zoug aux initiatives locales comme celle de Lugano, le pays s’est imposé comme un hub incontournable pour les amateurs de blockchain. Pourtant, cette annonce de la BNS semble marquer un tournant, ou du moins une pause dans cette dynamique. Pourquoi un tel revirement ? Pour comprendre, il faut plonger dans les arguments de Schlegel et les réactions qu’ils suscitent.
Un Refus Basé sur la Volatilité
Pour Martin Schlegel, le problème numéro un de Bitcoin, c’est sa volatilité. Dans une interview accordée à un média helvétique, il a insisté sur le fait que les réserves nationales doivent être stables et facilement mobilisables. Avec des cours capables de grimper ou de chuter de plusieurs milliers de dollars en quelques heures, Bitcoin ne répond pas à ces critères. Une position qui peut sembler prudente, mais qui soulève des questions : la stabilité est-elle vraiment incompatible avec l’innovation ?
Les chiffres qui parlent
- En 2024, Bitcoin a oscillé entre 50 000 $ et 100 000 $ en quelques mois.
- Une chute de 20 % en une journée n’est pas rare pour le BTC.
- Comparé à l’or, actif traditionnel, Bitcoin reste 10 fois plus volatil.
Cette instabilité, selon Schlegel, rend Bitcoin inadapté à un rôle de réserve. Les actifs comme l’or ou les devises étrangères, bien que fluctuants, offrent une prévisibilité que le BTC n’a pas encore atteinte. Mais pour les défenseurs de la cryptomonnaie, cette volatilité n’est qu’une phase temporaire, un passage obligé vers une maturité future.
Liquidité : Un Autre Point de Friction
Outre la volatilité, la BNS met en avant un second argument : la liquidité. En cas de crise, une banque centrale doit pouvoir convertir ses réserves en argent sonnant et trébuchant rapidement. Or, bien que Bitcoin soit échangé sur des plateformes mondiales, sa liquidité reste inégale. Les volumes d’échange peuvent suffire pour des investisseurs privés, mais pour une institution comme la BNS, qui gère des milliards, cela pose problème.
Les réserves doivent être un bouclier en temps de crise, pas une source d’incertitude.
Martin Schlegel, président de la BNS
Ce point de vue met en lumière une différence fondamentale entre la vision traditionnelle des finances et celle des cryptomonnaies. Bitcoin, avec son marché encore jeune, ne peut rivaliser avec la fluidité du dollar ou de l’euro. Mais ses partisans rétorquent que cette liquidité s’améliore avec le temps, à mesure que l’adoption progresse.
Les Risques Techniques en Ligne de Mire
Un troisième obstacle soulevé par Schlegel concerne les failles potentielles de la technologie blockchain. Bugs, piratages, ou erreurs humaines : ces risques, bien que rares, existent. Pour une institution garante de la stabilité économique, s’appuyer sur un système décentralisé sans filet de sécurité est un pari audacieux, voire irresponsable selon lui.
Cette crainte n’est pas infondée. Des hacks historiques, comme celui de Mt. Gox en 2014, rappellent que la sécurité absolue n’existe pas dans l’univers crypto. Pourtant, les avancées technologiques et les audits réguliers des blockchains tendent à réduire ces vulnérabilités. La question reste : la perfection est-elle vraiment un prérequis pour adopter Bitcoin ?
Une Opposition qui Monte au Créneau
Face à cette position conservatrice, les pro-Bitcoin ne baissent pas les bras. Le think tank suisse 2B4CH, par exemple, milite activement pour que la BNS intègre BTC dans ses réserves. Leur objectif ? Réunir 100 000 signatures pour déclencher un référendum. Pour eux, Bitcoin est plus qu’un actif spéculatif : c’est un rempart contre l’inflation et une garantie d’indépendance financière.
Arguments des pro-Bitcoin
- Bitcoin protège contre la dévaluation des monnaies fiat.
- Il renforce la souveraineté économique face aux crises mondiales.
- Son adoption massive est inéluctable : mieux vaut anticiper.
Ce bras de fer entre la BNS et les défenseurs de Bitcoin illustre une fracture plus large : celle entre une finance traditionnelle attachée à ses repères et une nouvelle génération prête à bousculer les codes. La Suisse, souvent perçue comme un pont entre ces deux mondes, se retrouve au cœur de cette tension.
La Suisse face à la Concurrence Mondiale
Pendant que la BNS temporise, d’autres pays avancent. Le Salvador accumule des BTC depuis 2021, les États-Unis évoquent des réserves stratégiques, et même Hong Kong y songe. Cette prudence suisse pourrait-elle faire perdre au pays son statut de leader crypto ? C’est l’inquiétude de certains observateurs, qui craignent un décalage avec la tendance globale.
Lugano, avec sa conférence annuelle “Plan ₿”, montre pourtant que la Suisse reste un acteur clé. Mais sans un soutien national fort, ces initiatives locales risquent de perdre de leur portée. La BNS devra-t-elle un jour revoir sa copie face à la pression internationale ?
Et Après ? Les Scénarios Possibles
Le débat est loin d’être clos. Si 2B4CH parvient à ses fins, un référendum pourrait forcer la BNS à se plier à la volonté populaire. À l’inverse, un échec de cette initiative conforterait la ligne prudente de Schlegel. Entre ces deux extrêmes, une solution intermédiaire pourrait émerger : tester Bitcoin à petite échelle avant de s’engager pleinement.
Bitcoin n’attend pas. La Suisse doit choisir : leader ou suiveur ?
Un militant de 2B4CH
Une chose est sûre : la décision de la Suisse influencera d’autres nations. En attendant, le pays reste à la croisée des chemins, entre tradition et modernité, prudence et audace. Le monde crypto retient son souffle.