Imaginez : vous détenez vos bitcoins tranquillement sur une plateforme suisse, convaincu que la confidentialité helvétique protège encore vos avoirs. Et puis, patatras, on vous annonce que dès 2026 tous vos soldes partiront automatiquement vers votre fisc national. Sauf que… non. Berne vient de lâcher une bombe : ce sera finalement 2027, au plus tôt. Peut-être même plus tard.

Ce petit délai d’un an (ou plus) change absolument tout pour des milliers d’investisseurs européens, américains et asiatiques qui ont choisi la Suisse précisément pour son retard légendaire en matière d’échange automatique. Alors, accident de parcours ou ultime baroud d’honneur du secret bancaire helvétique ?

La Suisse dit « pas encore » au grand partage mondial des données crypto

Le 26 novembre 2025, le Conseil fédéral suisse et le Secrétariat d’État aux questions financières internationales (SFI) ont publié un communiqué aussi discret que décisif : oui, le Crypto-Asset Reporting Framework (CARF) entrera bien dans le droit suisse au 1er janvier 2026, mais l’échange effectif de données avec les pays partenaires est suspendu jusqu’à 2027 au minimum.

En clair : les plateformes crypto suisses (exchanges, banques privées, wallets custodiaux) devront bien collecter les informations d’identification, soldes et transactions de leurs clients non-résidents dès 2026… mais elles ne les transmettront pas automatiquement avant 2027, voire plus tard.

« Les négociations sur les États partenaires avec lesquels la Suisse activera l’échange sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. »

Communiqué officiel du Conseil fédéral suisse – 26 novembre 2025

Pourquoi ce report soudain ? Les vraies raisons derrière le rideau

Officiellement, Berne explique ce gel par l’absence d’accord sur la liste des pays partenaires. Traduction : la Suisse refuse de transmettre des données à n’importe qui sans réciprocité totale et garantie de confidentialité.

Mais plusieurs sources internes parlent plutôt d’une pression énorme des grandes banques privées zurichoises et genevoises, qui craignent une fuite massive de capitaux crypto vers Dubaï, Singapour ou les Îles Caïmans si l’échange automatique démarre trop tôt.

Un cadre d’une grande banque privée genevoise confiait récemment sous couvert d’anonymat : « Si on active l’échange en 2026, on perd 30 à 40 % des avoirs crypto non déclarés d’ici fin 2027. Le report à 2027 nous donne une fenêtre pour restructurer les avoirs via des trusts ou des wallets non-custodiaux. »

Le CARF, c’est quoi exactement ? (et pourquoi tout le monde en parle)

Le Crypto-Asset Reporting Framework est l’équivalent crypto du CRS (Common Reporting Standard) qui existe depuis 2017 pour les comptes bancaires classiques.

L’OCDE l’a validé en 2022. Objectif : obliger tous les échanges et plateformes crypto à déclarer annuellement à leur fisc local les soldes et transactions de leurs clients résidents fiscaux étrangers, qui transmettra ensuite à chaque pays d’origine.

Ce que le CARF impose aux plateformes suisses dès 2026 :

  • Collecte du nom, adresse, date de naissance, NIF (numéro fiscal) de chaque client non-résident
  • Enregistrement de tous les dépôts, retraits, trades et soldes en crypto et stablecoins
  • Valorisation annuelle en CHF de chaque portefeuille au 31 décembre
  • Transmission de ces données au fisc suisse… qui les gardera au chaud jusqu’en 2027 minimum

75 pays prêts à partager dès 2026… mais pas les plus « crypto-friendly »

À ce jour, 75 juridictions ont signé ou annoncé leur intention d’appliquer le CARF entre 2026 et 2028. Parmi elles : l’Union européenne entière, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, le Japon, la Corée du Sud…

Mais les grands absents font sourire :

  • États-Unis (l’IRS étudie encore la question)
  • Émirats Arabes Unis
  • Singapour (très évasive)
  • Hong Kong
  • Îles Caïmans, Bahamas, Seychelles
  • El Salvador (pays Bitcoin)
  • Argentine, Inde, Vietnam

Résultat : même si la Suisse active l’échange en 2027, vos bitcoins resteront invisibles pour le fisc français, allemand ou italien tant que vous les placerez dans une structure basée à Dubaï ou aux Caïmans.

Que doivent faire les investisseurs crypto en Suisse dès maintenant ?

Premier réflexe : ne pas paniquer. Vous avez encore du temps.

Mais le compte à rebours est lancé. Voici les scénarios réalistes :

  1. Rester en Suisse avec une structure optimisée
    Trust liechtensteinois, fondation panaméenne ou holding maltaise : les banques privées proposent déjà des montages permettant de sortir du champ du CARF.
  2. Transférer vers une juridiction 100 % hors CARF
    Dubaï reste le grand gagnant (0 % impôt + pas de CARF prévu avant 2028-2030).
  3. Passer en non-custodial
    Les wallets personnels (Ledger, Trezor, Metamask) ne sont pas concernés par le CARF tant qu’aucune plateforme centralisée n’a vos données.
  4. Régulariser proactivement
    Certains pays offrent encore des cellules de régularisation avec pénalités réduites jusqu’à fin 2026.

« La Suisse nous offre un répit inespéré de 12 à 24 mois. C’est maintenant qu’il faut agir, pas en 2027 quand tout le monde se précipitera aux mêmes portes de sortie. »

Un avocat fiscaliste spécialisé crypto à Genève

Et les États-Unis dans tout ça ?

L’IRS a déposé une proposition pour rejoindre le CARF, mais le processus législatif américain peut prendre des années. Tant que les États-Unis restent hors du cadre, les citoyens américains conservent un avantage énorme en gardant leurs crypto en Suisse ou à Dubaï.

D’ailleurs, les flux crypto en provenance des États-Unis vers la Suisse ont bondi de 47 % depuis l’annonce du report suisse.

Conclusion : une fenêtre qui se referme doucement

Le report suisse n’est pas une victoire définitive de la confidentialité, mais un sursis précieux. 2026 sera l’année de tous les dangers : collecte massive de données sans transmission immédiate. 2027 pourrait marquer la fin d’une époque.

Ceux qui agiront dès 2026 auront le choix des meilleures solutions. Ceux qui attendront 2027 se retrouveront dans un embouteillage réglementaire mondial.

La Suisse reste, pour l’instant, le dernier bastion européen de relative liberté crypto. Mais le sablier est renversé.

Vous savez ce qu’il vous reste à faire.

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Passionné et dévoué, je navigue sans relâche à travers les nouvelles frontières de la blockchain et des cryptomonnaies. Pour explorer les opportunités de partenariat, contactez-nous.

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