Imaginez un instant : il y a encore quelques années, les cryptomonnaies étaient vues comme une menace potentielle pour tout le système financier américain. Aujourd’hui, en cette fin 2025, elles sont reléguées au rang de simple évolution à surveiller. Ce revirement spectaculaire du Financial Stability Oversight Council marque-t-il le début d’une ère nouvelle pour le secteur crypto aux États-Unis ?
Ce changement n’est pas tombé du ciel. Il résulte d’une série de décisions politiques et réglementaires qui ont transformé le paysage en quelques mois seulement. Plongeons ensemble dans cette actualité brûlante qui pourrait bien redessiner les contours de l’adoption institutionnelle des actifs numériques.
Le FSOC change radicalement de ton sur les cryptomonnaies
Le rapport annuel 2025 du Financial Stability Oversight Council (FSOC) vient de créer la surprise. Pour la première fois depuis trois ans, les actifs numériques ne figurent plus parmi les “vulnérabilités” du système financier. Ils passent dans la catégorie neutre des “développements de marché significatifs à surveiller”.
Ce n’est pas une simple nuance sémantique. Cette reclassification enlève un stigmate macroprudentiel qui freinait jusqu’ici les grandes institutions financières américaines. Banques, assureurs et fonds de pension peuvent désormais envisager des expositions plus directes sans craindre une surveillance renforcée.
Le rapport met en avant l’adoption institutionnelle croissante, notamment via les ETF spot Bitcoin et Ethereum, ainsi que la tokenisation d’actifs traditionnels. Les stablecoins adossés au dollar sont même présentés comme un soutien potentiel à la domination internationale du billet vert.
Le catalogue des vulnérabilités n’est pas suffisant. La croissance économique à long terme est intégrale à la stabilité financière.
Scott Bessent, Secrétaire au Trésor
D’où vient ce revirement spectaculaire ?
Pour comprendre cette évolution, il faut remonter à l’époque Biden. En 2022, sous l’influence de l’Executive Order 14067, le FSOC concluait que les activités crypto “pourraient poser des risques à la stabilité du système financier américain”. Le rapport appelait alors à une nouvelle législation sur les marchés spot et les stablecoins.
Les années 2023 et 2024 maintenaient cette ligne dure. Les cryptomonnaies étaient explicitement listées comme vulnérabilité, avec des mises en garde sur la volatilité des prix, l’effet de levier excessif, l’interconnexion des plateformes et surtout le risque de ruées sur les stablecoins.
2025 marque une rupture totale. Le rapport ne formule aucune recommandation spécifique sur les actifs numériques et ne manifeste aucune préoccupation explicite. Les régulateurs ont même “retiré leurs avertissements généraux” aux institutions financières concernant leur implication dans la crypto.
Les principaux facteurs du changement de position du FSOC
- L’ordre exécutif 14178 de Donald Trump révoquant l’approche précédente
- Le passage du GENIUS Act créant un cadre clair pour les stablecoins
- La résiliation du SAB 121 par la SEC
- Les nouvelles guidances de l’OCC autorisant les banques à custodier et intermédier
- L’approbation massive des ETF spot Bitcoin et Ethereum
L’impact de l’ordre exécutif de Trump
Dès son retour à la Maison Blanche, Donald Trump n’a pas perdu de temps. L’Executive Order 14178 a immédiatement révoqué l’ordre de Biden sur les cryptomonnaies. La nouvelle politique officielle vise à “soutenir la croissance responsable et l’utilisation des actifs numériques”.
Mais le plus symbolique reste l’interdiction formelle d’un CBDC américain. Cette mesure répond à une crainte largement partagée dans la communauté crypto : celle d’une monnaie numérique de banque centrale qui pourrait permettre une surveillance totale des transactions.
Le rapport sur les actifs numériques publié par l’administration met l’accent sur trois priorités : la tokenisation, les stablecoins et le leadership américain dans ce domaine. Une vision résolument pro-innovation qui contraste fortement avec l’approche prudente des années précédentes.
Le GENIUS Act : une révolution pour les stablecoins
Signé en juillet 2025, le GENIUS Act représente probablement la pièce maîtresse de cette nouvelle architecture réglementaire. Cette loi crée la catégorie des “émetteurs de stablecoins de paiement autorisés” avec des exigences strictes.
Les stablecoins doivent être backed à 100% par des réserves de haute qualité. La supervision principale revient à la Federal Reserve, l’OCC, la FDIC et les régulateurs étatiques. Ce cadre apporte enfin la clarté tant attendue par les acteurs du marché.
Pour les institutions financières traditionnelles, c’est une porte grande ouverte. Elles peuvent désormais détenir des réserves de stablecoins, intermédier des flux entre ETF crypto et rails stablecoins, ou encore tokeniser des collatéraux sans craindre de sortir du cadre réglementaire.
La SEC et l’OCC assouplissent leurs positions
En janvier 2025, la Securities and Exchange Commission a résilié le controversé Staff Accounting Bulletin 121 via le SAB 122. Cette guidance obligeait auparavant les banques à enregistrer les actifs crypto custodés comme des passifs à leur bilan.
Cette résiliation retire un obstacle majeur à la custody institutionnelle. Dans la foulée, l’Office of the Comptroller of the Currency a publié l’Interpretive Letter 1188 autorisant les banques nationales à agir comme intermédiaires en “riskless principal” pour les transactions crypto.
L’OCC est allé plus loin en permettant aux banques de détenir de petites quantités de tokens natifs pour payer les frais de gas dans le cadre de leurs opérations de custody ou stablecoins. Plusieurs chartes bancaires nationales de trust ont même été accordées à des acteurs majeurs comme Circle, Ripple, BitGo, Paxos et Fidelity Digital Assets.
Acteurs ayant obtenu une charte bancaire nationale de trust en 2025
- Circle
- Ripple
- BitGo
- Paxos
- Fidelity Digital Assets
Les ETF crypto : l’adoption institutionnelle accélère
Les ETF spot Bitcoin et Ethereum, approuvés en 2024, ont connu un succès massif. Leur croissance continue en 2025 a largement contribué à changer la perception du FSOC. Ces produits offrent une exposition réglementée aux cryptomonnaies pour les investisseurs institutionnels.
De nouvelles demandes d’ETF pour d’autres cryptomonnaies ont été déposées cette année. Combinées aux guidances de l’OCC sur les transactions “riskless principal”, elles ouvrent la voie à une intégration plus profonde entre finance traditionnelle et crypto.
Les flux vers ces ETF se sont révélés ordonnés jusqu’à présent, sans les disruptions qui inquiétaient auparavant les régulateurs. Cette stabilité a clairement pesé dans la décision du FSOC de retirer le label de vulnérabilité.
La position internationale reste prudente
Si les États-Unis opèrent ce tournant pro-crypto, le reste du monde ne suit pas au même rythme. Le Financial Stability Board (FSB) a publié en octobre 2025 un rapport soulignant des “lacunes significatives” dans l’application de ses standards crypto de 2023.
Avec une capitalisation globale crypto doublée à environ 4 000 milliards de dollars, le FSB estime que les risques pour la stabilité financière restent “limités pour l’instant” mais en augmentation avec les interconnexions et l’usage des stablecoins.
Le Groupe d’action financière (FATF) est encore plus critique. Son rapport de juin 2025 indique que seuls 40 juridictions sur 138 sont “largement conformes” aux règles anti-blanchiment crypto. Des dizaines de milliards de flux illicites continuent d’être détectés.
Les stablecoins en dollars peuvent être abusés pour l’évasion de sanctions et la finance illicite. Une surveillance et une application continues sont nécessaires.
Rapport FSOC 2025
Même dans son rapport assoupli, le FSOC maintient que les stablecoins dollar peuvent servir à des fins illicites. Il appelle à une vigilance continue, notamment sur les questions de sanctions et de blanchiment.
Quelles conséquences pour le marché crypto ?
La reclassification du FSOC n’oblige pas les institutions à investir dans la crypto. Mais elle retire un frein psychologique majeur. Les grandes banques peuvent désormais développer leurs offres custody, lending et tokenisation sans craindre de nouvelles restrictions prudentielles.
Les analystes du secteur s’attendent à une accélération des flux institutionnels. La combinaison ETF + stablecoins réglementés + custody bancaire pourrait créer un cercle vertueux d’adoption et de légitimité.
Cependant, des zones grises persistent. La SEC et la CFTC continuent de se disputer la juridiction sur les tokens autres que Bitcoin et Ethereum. À l’international, une coordination plus stricte sur l’AML et les flux transfrontaliers pourrait contrebalancer l’assouplissement américain.
Vers une intégration totale de la crypto dans la finance traditionnelle ?
Le rapport 2025 du FSOC conditionne son évaluation positive à plusieurs facteurs : des flux ETF ordonnés, un backing total des stablecoins, et l’absence de défaillances majeures de custody ou de bridges.
Pour l’instant, ces conditions sont remplies. Mais le secteur reste jeune et volatile. Un incident majeur pourrait rapidement remettre en question cette confiance naissante.
Néanmoins, le signal envoyé est puissant. Les États-Unis semblent déterminés à ne pas laisser filer leur leadership technologique et financier dans ce domaine stratégique. La tokenisation des actifs réels, les paiements instantanés via stablecoins, l’intégration des rails crypto dans la finance traditionnelle : tout cela devient non seulement possible, mais encouragé.
Après des années de réglementation par l’application (enforcement), l’Amérique choisit enfin la clarté réglementaire. Un choix qui pourrait bien propulser les cryptomonnaies vers une adoption massive et institutionnelle sans précédent.
Le chemin reste long, parsemé d’embûches réglementaires internationales et de risques inhérents au secteur. Mais pour la première fois, les portes de la finance traditionnelle semblent s’ouvrir en grand aux actifs numériques. L’histoire est en train de s’écrire sous nos yeux.
