Imaginez un pays où les banques traditionnelles sont paralysées, où l’accès aux services financiers est un luxe, et où les sanctions internationales resserrent leur étau. C’est la réalité du Yémen en 2025, un pays en crise où une révolution silencieuse prend forme : la finance décentralisée (DeFi). Face aux restrictions imposées par les États-Unis, les Yéménites se tournent vers les cryptomonnaies et les protocoles DeFi pour reprendre le contrôle de leurs finances. Comment ce phénomène transforme-t-il la vie quotidienne dans un pays en proie à l’instabilité ? Plongeons dans cette nouvelle ère financière.
La DeFi : Une Bouée de Sauvetage au Yémen
Les sanctions américaines, notamment celles visant les Houthis et certaines institutions financières yéménites, ont bouleversé l’accès aux services bancaires. En avril 2025, le Trésor américain a ciblé la Banque Internationale du Yémen, accusée de faciliter des transactions pour les Houthis. Résultat : des millions de Yéménites, en particulier dans les zones contrôlées par ce groupe, se retrouvent exclus du système financier traditionnel. Mais là où les portes se ferment, la blockchain ouvre des fenêtres.
La DeFi offre une résilience financière là où les institutions traditionnelles échouent, permettant aux utilisateurs de fonctionner sans intermédiaires.
TRM Labs
Les plateformes DeFi, qui fonctionnent sur des réseaux décentralisés comme Ethereum ou Solana, permettent aux Yéménites d’envoyer et de recevoir des fonds, de gérer des remittances, et même d’échanger des actifs numériques sans dépendre des banques. Selon une étude récente, plus de 63 % du trafic web lié aux cryptomonnaies au Yémen est désormais dirigé vers des protocoles DeFi, contre seulement 18 % pour les échanges centralisés. Ce chiffre illustre une adoption massive, motivée par la nécessité.
Pourquoi la DeFi Séduit-elle au Yémen ?
La réponse réside dans la simplicité et l’autonomie qu’offre la finance décentralisée. Contrairement aux systèmes bancaires traditionnels, les protocoles DeFi ne nécessitent ni approbation d’une autorité centrale, ni infrastructure physique. Dans un pays où les institutions financières sont soit inaccessibles, soit peu fiables, cette indépendance est une aubaine.
Les avantages clés de la DeFi pour les Yéménites :
- Accessibilité : Pas besoin de compte bancaire, seulement un smartphone et une connexion internet.
- Transparence : Les transactions sont enregistrées sur une blockchain publique, réduisant les risques de fraude.
- Rapidité : Les transferts transfrontaliers sont quasi instantanés, contrairement aux délais bancaires.
- Contournement des sanctions : Les protocoles décentralisés échappent aux restrictions imposées par les gouvernements.
Les remittances, ces transferts d’argent envoyés par la diaspora yéménite, sont un pilier de l’économie locale. Avec les banques traditionnelles hors service, les plateformes peer-to-peer (P2P) basées sur la blockchain deviennent une alternative vitale. Bien que le volume de ces transactions reste modeste, leur croissance est exponentielle, signe d’une adoption en plein essor.
Une Adoption Boostée par les Sanctions
Les sanctions américaines ont paradoxalement accéléré l’adoption des cryptomonnaies au Yémen. En janvier 2024, la relance de la classification des Houthis comme organisation terroriste par l’administration Biden a provoqué une augmentation de 270 % de l’activité sur une plateforme d’échange locale. Après l’élection de Donald Trump et une nouvelle désignation des Houthis comme Foreign Terrorist Organization en 2025, cette même plateforme a enregistré une hausse de 223 %. Ces chiffres, rapportés par TRM Labs, montrent comment les restrictions financières poussent les Yéménites vers des solutions décentralisées.
Les sanctions internationales, bien qu’elles visent des acteurs spécifiques, impactent souvent les civils, qui se tournent alors vers la DeFi pour survivre.
Analyste blockchain
Les entreprises locales, comme les money service businesses, s’adaptent également. Ces structures, traditionnellement dédiées aux transferts d’argent, intègrent désormais des services liés aux cryptomonnaies. Elles permettent aux Y stablecoins comme USDT ou USDC deviennent des outils courants pour préserver la valeur des fonds face à l’instabilité économique. Ce phénomène n’est pas unique au Yémen : des pays comme le Venezuela et l’Argentine, confrontés à l’hyperinflation, ont également vu une adoption massive des cryptomonnaies.
Comparaison Internationale : La DeFi en Temps de Crise
Le Yémen n’est pas un cas isolé. Partout dans le monde, les crises économiques et politiques poussent les populations vers la finance décentralisée. Prenons quelques exemples concrets :
Adoption de la DeFi dans d’autres pays :
- Ukraine : Entre 2023 et 2024, les transactions DeFi institutionnelles ont bondi de 362 %, tandis que les transferts de détail ont augmenté de 82,2 % pour les petits montants et 92 % pour les gros montants.
- Argentine : Avec une inflation de 276 % en mars 2024, les Argentins se ruent sur les stablecoins pour protéger leurs économies, convertissant leurs pesos dès le début de chaque mois.
- Venezuela : Confronté à l’hyperinflation, le pays voit le Bitcoin devenir une “bouée de sauvetage” pour de nombreux citoyens.
Ces exemples montrent une tendance globale : lorsque les systèmes financiers traditionnels s’effondrent, les cryptomonnaies et la DeFi émergent comme des alternatives viables. Au Yémen, cette dynamique est amplifiée par l’absence d’infrastructures bancaires fonctionnelles, rendant la blockchain non seulement utile, mais essentielle.
Les Défis de la DeFi au Yémen
Malgré son potentiel, la finance décentralisée n’est pas exempte de défis. L’accès à internet, bien que croissant, reste limité dans certaines régions du Yémen. De plus, l’éducation financière est cruciale pour éviter les arnaques et les erreurs coûteuses. Les plateformes DeFi, bien que sécurisées par la blockchain, ne sont pas à l’abri des piratages ou des failles de contrats intelligents.
La DeFi est une révolution, mais elle exige une compréhension technique pour être utilisée en toute sécurité.
Expert en blockchain
Un autre défi est la volatilité des cryptomonnaies. Si les stablecoins comme USDT offrent une certaine stabilité, d’autres actifs comme le Bitcoin ou l’Ethereum peuvent fluctuer fortement, ce qui peut poser problème pour les utilisateurs novices. Enfin, les régulateurs internationaux surveillent de près l’utilisation des cryptomonnaies dans les zones sanctionnées, ce qui pourrait compliquer leur adoption à long terme.
L’Avenir de la DeFi au Yémen
Alors que les sanctions internationales, notamment contre le Yémen et son allié l’Iran, continuent de se durcir, l’adoption des cryptomonnaies devrait encore s’accélérer. TRM Labs prédit une croissance non seulement en volume, mais aussi en sophistication. Les Yéménites, qu’ils soient civils ou acteurs économiques, pourraient développer des usages plus complexes de la DeFi, comme les prêts décentralisés ou les pools de liquidité.
Perspectives pour la DeFi au Yémen :
- Croissance des plateformes locales : Les exchanges locaux et les services de cryptomonnaies devraient se multiplier.
- Éducation : Des initiatives pour former les utilisateurs aux bases de la blockchain pourraient émerger.
- Intégration régionale : Les pays voisins, également touchés par des crises, pourraient adopter des solutions similaires.
La DeFi ne résoudra pas tous les problèmes du Yémen, mais elle offre une lueur d’espoir. En permettant aux citoyens de reprendre le contrôle de leurs finances, elle redéfinit ce que signifie être financièrement indépendant dans un monde où les systèmes traditionnels s’effondrent.
Conclusion : Une Révolution Silencieuse
La finance décentralisée au Yémen n’est pas qu’une mode passagère : c’est une réponse concrète à une crise sans précédent. En contournant les sanctions, en facilitant les remittances, et en offrant une alternative aux banques défaillantes, la DeFi redonne du pouvoir aux Yéménites. Mais cette révolution ne fait que commencer. À mesure que la technologie évolue et que l’adoption s’intensifie, le Yémen pourrait devenir un exemple emblématique de la manière dont la blockchain peut transformer des économies en crise.
Dans un monde où les systèmes s’effondrent, la DeFi est une lueur d’espoir, un outil pour reconstruire la liberté financière.
Analyste économique
Le chemin est encore long, mais une chose est sûre : au Yémen, la finance décentralisée n’est plus une option, c’est une nécessité. Et si ce pays, malgré ses défis, parvient à embrasser cette révolution, qui sait ce que l’avenir réserve au reste du monde ?